Quand on est un ca
nal, on coupe la campagne
En deux plaines étalées entre Manche et Cham
pagne
Et tous les peupliers nous font des haies d´hon
neur
A nous voir aller droit mieux que des arpen
teurs
Et l´on sait les se
crets des ajoncs frémissants
Quand ils courbent la
tête en prière de vent
On reflète dans l´
onde les corps imaginaires
Des nuages re
pus qui courent vers la mer
Quand on est un ca
nal, on s´arrête aux écluses
Pour entendre gueuler les marins qui s´a
musent
Et les filles en valsant ont de ces rires de gorge
Qui font tomber les
hommes plus rouges que des
forges
Et, le lendemain matin, on porte sur le dos
Leurs péniches alour
dies de souvenirs nouveaux
Quand on est un ca
nal, on salue au passage
Les belles walky
ries du bout du pay
sage.
Mais quand on est un
homme
Mais quand on est un
homme
On n´abandonne
pas... (
harmon
ica)
Quand on est un ca
nal, au cours de nuits frileuses,
On passe sous les ponts de villes orgueil
leuses
On apprend au passage, par quelque vieux v
élos,
L´histoire de ce poète qui s´est fichu à l´
eau
Parce qu´un Dieu
muet dans une église altière
Ne répondait ja
mais à sa moindre prière
On lui fait en se
cret au milieu du chenal
Comme un dernier hom
mage, une litière royale
Quand on est un ca
nal, on s´en va quelque part
Sceller nos fiançailles avec la grande
mare
Et comme un continent qui serait sexe et fontaine,
On a un rendez-
vous tout au bout de la
plaine
Enfin l´ultime écluse, la dernière barrière
Et on court fécon
der le ventre de la mer
Pour lui faire un enfant qui aura comme toi
Les yeux gris de la
Manche et le coeur de l´Ar
tois
Mais quand on est un
homme
On rêve d´un petit
homme
Qui fait ses premiers
pas... (
harmon
ica)