Je t´attendais ainsi qu´on attend les navires
Dans les années de sécheresse, quand le blé
Ne monte pas plus haut qu´une oreille dans l´herbe
Qui écoute apeurée la grande voix du temps
Je t´attendais, et tous les quais toutes les routes
Ont retenti du pas brûlant qui s´en allait
Vers toi que je portais déjà sur mes épaules
Comme une douce pluie qui ne sèche jamais
Tu ne remuais encor que par quelques paupières,
Quelques pattes d´oiseaux dans les vitres gelées
Je ne voyais en toi que cette solitude
Qui posait ses deux mains de feuille sur mon cou
Et pourtant c´était toi dans le clair de ma vie
Ce grand tapage matinal qui m´éveillait
Tous mes oiseaux tous mes vaisseaux tous mes pays
Ces astres ces millions d´astres qui se levaient
Ah que tu parlais bien quand toutes les fenêtres
Pétillaient dans le soir ainsi qu´un vin nouveau,
Quand les portes s´ouvraient sur des villes légères
Où nous allions tous deux enlacés par les rues
Tu venais de si loin derrière ton visage
Que je ne savais plus à chaque battement
Si mon cœur durerait jusqu´au temps de toi-même
Où tu serais en moi plus forte que mon sang.