Je l´ai vu l´autre dimanche Lâcher des colombes blanches
Au nez des gendarmes Qui le croyaient fou Il a retroussé ses manches Noué sa corde à ma branche Il se l´est passé au cou Les gendarmes riaient beaucoup Mais moi quitte à leur déplaire Moi le chêne centenaire Comme un roseau j´ai ployé Pour que ses pieds touchent terre Mais demande à la rivière S´il ne s´y est pas noyé
Rivière, as-tu vu Manuel ?
Il m´a confié sa prière Il a embrassé sa terre Le soleil indifférent brillait bien haut
Il a choisi une pierre Se l´est lié en bandoulière Il a sauté dans mon eau Et je suis devenue bateau Car moi je voulais qu´il vive Moi je voulais qu´il me suive Et loin des terres captives Je l´ai posé sur ma rive Mais demande à la montagne S´il ne s´y est écrasé
Montagne, as-tu vu Manuel ?
Il a grimpé sur ma cîme Pour y crier tous les crimes Qui resteront méconnus et impunis Il a pleuré l´innocence De tous ses amis d´enfance
Qu´on a traînés en silence vers la nuit Alors moi qui suis montagne Je me suis faite vallée Il avait la foi qui gagne Et je me suis déplacée Tu peux dire à sa compagne Que je ne l´ai pas tué Mais va donc voir jusqu´au bagne S´il n´y est pas enfermé
Geôlier, as-tu vu Manuel ?
Des "Manuel" j´en vois grand nombre Mais je ne connais que leur ombre Leur fantôme qui me tourne le dos Ils disent tous des choses étranges Qu´il faudrait que les temps changent Des rêveurs qui se seraient donnés le mot
Moi j´écoute sans comprendre Je suis payé pour ne rien entendre Moi je ne peux qu´oublier Je n´ai pas de main à tendre Mais demande à la lumière Il l´a si longtemps cherché
Lumière, as-tu vu Manuel ?
On m´avait laissée pour morte Mais je brille beaucoup plus forte Car Manuel m´a rallumée Au feu de la liberté Nul ne pourra me soumettre Et j´aveuglerai mes maîtres Et j´embraserai le ciel Car voici grâce à Manuel Qu´on commence à me connaître
A Grenade et à Teruel On commence à me connaître A Grenade et à Teruel.