Mon coeur est un beau lac solitaire qui tremble, Hanté d´oiseaux furtifs et de rameaux frôleurs, Où le vol argenté des sylphes bleus s´assemble En un soir diaphane où défaillent des fleurs.
La lune y fait rêver ses pâleurs infinies ; L´aurore en son cristal baigne ses pieds rosés ; Et sur ses bords, en d´éternelles harmonies, Soupire l´orgue des grands joncs inapaisés.
Un temple est au milieu, tout en colonnes blanches, Éclos dans les tiédeurs secrètes du jasmin ; Des ramiers bleu-de-ciel s´aiment parmi les branches Laquelle se mettra la première en chemin ?
Le lac est vert, le lac est bleu ; Voici tinter le couvre-feu. Sonnez l´heure aux ondins, petites campanules.
Dame aux yeux verts, Dame aux yeux bleus, Dame d´automne au coeur frileux,
De votre éventail onduleux Venez-vous-en bercer le vol des libellules Du crépuscule
Les gondoles sont là, fragiles et cambrées Sur l´eau dormeuse et sourde aux enlacis mourants, Les gondoles qui font, de roses encombrées, Pleurer leurs rames d´or sur les flots odorants.
Les nefs d´amour, avec leurs velours de simarres, Captives en tourment, se meurent sur les eaux Oh ! quels doigts fins viendront dénouer les amarres, Un soir, parmi la chevelure des roseaux ?
Laquelle s´en viendra, quand sonneront les heures, Voguer, pâle de lune et perdue en un ciel ? Laquelle au doux sanglot des musiques mineures Taira dans un baiser le mot essentiel ?
Laquelle Cydalise on Linda que t´en semble, Te laissera l´aimer, le front sur ses genoux ? Qu´importe l´âme est triste et leurs baisers sont doux Mon coeur est un beau lac solitaire qui tremble,