Les jardins odorants balancent leurs panaches. L´eau miroite au soleil, et le ciel est heureux. Mon coeur, tu peux rentrer dans l´ombre où tu te caches ; Ton impuissance insulte au monde vigoureux.
Dans un tressaillement qui fait craquer l´écorce, L´arbre, géant joyeux, tend ses cent bras musclés. La terre, ivre de sève, étouffe dans sa force, Et la feuille éperdue a des frissons ailés.
Mon coeur, tu t´en vas seul dans le bonheur des choses ; Pourtant l´Espoir frémit dans l´azur du matin. C´est le temps du travail et des métamorphoses, Il faut à chaque jour un soir lourd de butin.
L´amour passe au galop dans les forêts obscures, Triomphal et levant des bras tachés de sang. Le sang tombe étoilé des virginités mûres
Et l´air tiède des soirs est comme un vin puissant.
Tout se réveille, et vibre, et germe, et se déploie, Et porte dans le coeur un plein soleil d´orgueil, Le monde a les couleurs splendides de la joie ; Seul, je traîne un corps las courbé vers le cercueil.
Seigneur, laissez tomber dans ma coupe tarie Une goutte, une large goutte du vin d´or ! Mon coeur est un enfant qui désespère et crie Seigneur, faites qu´enfin sous ma bouche flétrie
Du vieux sein nourricier le lait jaillisse encor !
Donnez-moi le vouloir, l´audace, l´énergie, Et le besoin viril de prendre et de dompter, Et que je sente enfin, dans mon âme élargie, La Force comme une rose rouge éclater !