Partout la mer unique étreint l´horizon nu, L´horizon désastreux où la vieille arche flotte ; Au pied du mât penchant l´Espérance grelotte, Croisant ses bras transis sur son coeur ingénu.
Depuis mille et mille ans pareils, le soir venu, L´Ame assise à la barre, immobile pilote, Regarde éperdument dans l´ombre qui sanglote Ses colombes s´enfuir vers le port inconnu.
Elles s´en vont là-bas, éparpillant leurs plumes A travers le vent fou qui les cingle d´écumes, Ivres du vol sublime enfermé dans leurs flancs ;
Et, chaque lendemain, au jour blême et cynique, L´arche voit surnager leurs doux cadavres blancs, Les deux ailes en croix sur la mer ironique.