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Artiste : Albert Samain
Titre : Orgueil
J´ai secoué du rêve avec ma chevelure.
Aux foules où j´allais, un long frisson vivant
Me suivait, comme un bruit de feuilles dans le vent ;
Et ma beauté jetait des feux comme une armure.

Au large devant moi les coeurs fumaient d´amour ;
Froide, je traversais les désirs et les fièvres ;
Tout, drame ou comédie, avait lieu sur mes lèvres ;
Mon orgueil éternel demeurait sur la tour.

Du remords imbécile et lâche je n´ai cure,
Et n´ai cure non plus des fadasses pitiés.
Les larmes et le sang, je m´y lave les pieds !
Et je passe, fatale ainsi que la nature.

Je suis sans défaillance, et n´ai point d´abandons.
Ma chair n´est point esclave au vieux marché des villes.

Et l´homme, qui fait peur aux amantes serviles,
Sent que son maître est là quand nous nous regardons.

J´ai des jardins profonds dans mes yeux d´émeraude,
Des labyrinthes fous, d´où l´on ne revient point.
De qui me croit tout près je suis toujours si loin,
Et qui m´a possédée a possédé la Fraude.

Mes sens, ce sont des chiens qu´au doigt je fais coucher,
Je les dresse à forcer la proie en ses asiles ;
Puis, l´ayant étranglée, ils attendent, dociles,
Que mes yeux souverains leur disent d´y toucher.

Je voudrais tous les coeurs avec toutes les âmes !
Je voudrais, chasseresse aux féroces ardeurs,
Entasser à mes pieds des coeurs, encor des coeurs
Et je distribuerais mon butin rouge aux femmes !

Je traîne, magnifique, un lourd manteau d´ennui,
Où s´étouffe le bruit des sanglots et des râles.
Les flammes qu´en passant j´allume aux yeux des mâles,
Sont des torches de fête en mon coeur plein de nuit.

La haine me plaît mieux, étant moins puérile.

Mère, épouse, non pas : ni femelle vraiment !
Je veux que mon corps, vierge ainsi qu´un diamant,
A jamais comme lui soit splendide et stérile.

Mon orgueil est ma vie, et mon royal trésor ;
Et jusque sur le marbre, où je m´étendrai froide,
Je veux garder, farouche, aux plis du linceul roide,
Une bouche scellée, et qui dit non encor.