J´ai secoué du rêve avec ma chevelure. Aux foules où j´allais, un long frisson vivant Me suivait, comme un bruit de feuilles dans le vent ; Et ma beauté jetait des feux comme une armure.
Au large devant moi les coeurs fumaient d´amour ; Froide, je traversais les désirs et les fièvres ; Tout, drame ou comédie, avait lieu sur mes lèvres ; Mon orgueil éternel demeurait sur la tour.
Du remords imbécile et lâche je n´ai cure, Et n´ai cure non plus des fadasses pitiés. Les larmes et le sang, je m´y lave les pieds ! Et je passe, fatale ainsi que la nature.
Je suis sans défaillance, et n´ai point d´abandons. Ma chair n´est point esclave au vieux marché des villes.
Et l´homme, qui fait peur aux amantes serviles, Sent que son maître est là quand nous nous regardons.
J´ai des jardins profonds dans mes yeux d´émeraude, Des labyrinthes fous, d´où l´on ne revient point. De qui me croit tout près je suis toujours si loin, Et qui m´a possédée a possédé la Fraude.
Mes sens, ce sont des chiens qu´au doigt je fais coucher, Je les dresse à forcer la proie en ses asiles ; Puis, l´ayant étranglée, ils attendent, dociles, Que mes yeux souverains leur disent d´y toucher.
Je voudrais tous les coeurs avec toutes les âmes ! Je voudrais, chasseresse aux féroces ardeurs, Entasser à mes pieds des coeurs, encor des coeurs Et je distribuerais mon butin rouge aux femmes !
Je traîne, magnifique, un lourd manteau d´ennui, Où s´étouffe le bruit des sanglots et des râles. Les flammes qu´en passant j´allume aux yeux des mâles, Sont des torches de fête en mon coeur plein de nuit.
La haine me plaît mieux, étant moins puérile.
Mère, épouse, non pas : ni femelle vraiment ! Je veux que mon corps, vierge ainsi qu´un diamant, A jamais comme lui soit splendide et stérile.
Mon orgueil est ma vie, et mon royal trésor ; Et jusque sur le marbre, où je m´étendrai froide, Je veux garder, farouche, aux plis du linceul roide, Une bouche scellée, et qui dit non encor.