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Artiste : Albert Samain
Titre : Paysages
L´air est trois fois léger. Sous le ciel trois fois pur,
Le vieux bourg qui s´effrite en ses noires murailles
Ce clair matin d´hiver sourit sous ses pierrailles

À ses monts familiers qui rêvent dans l´azur

Une dalle encastrée, en son latin obscur,
Parle après deux mille ans d´antiques funérailles.
César passait ici pour gagner ses batailles,
Un oiseau du printemps chante sur le vieux mur

Bruissante sous l´ombre en dentelle d´un arbre,
La fontaine sculptée en sa vasque de marbre
Fait briller au soleil quatre filets d´argent.

Et pendant qu´à travers la marmaille accourue
La diligence jaune entre dans la grand´rue,
La tour du signador jette l´heure en songeant.

II

L´horloger, pâle et fin, travaille avec douceur ;
Vagues, le seuil béant, somnolent les boutiques ;
Et d´un trottoir à l´autre ainsi qu´aux temps antiques
Les saluts du matin échangent leur candeur.

Panonceaux du notaire et plaque du docteur
À la fontaine un gars fait boire ses bourriques ;
Et vers le catéchisme en files symétriques
Des petits enfants vont, conduits par une soeur.

Un rayon de soleil dardé comme une flèche
Fait tout à coup chanter une voix claire et fraîche
Dans la ruelle obscure ainsi qu´un corridor.

De la montagne il sort des ruisselets en foule,
Et partout c´est un bruit d´eau vive qui s´écoule
De l´aube au front d´argent jusqu´au soir aux yeux d´or.

III

Le ciel rouge et doré par degrés a pâli ;
Les oliviers d´argent frémissent ; l´herbe ondule ;
Rose au front, la montagne à sa base accumule
De grands blocs transparents de lapis-lazuli.

C´est le retour des champs une étoile a frémi.
Dans l´air une douceur de Bethléem circule.
L´homme est à pied ; la femme assise sur la mule

Berce sous son manteau son enfant endormi.

Et partout, sur le front portant en équilibre
Des mannes où l´odeur des violettes vibre,
Par la grand´route grise et par les sentiers bruns,

Des femmes, que l´instant et leur marche rend belles,
Passent avec lenteur en laissant derrière elles
Le divin crépuscule empli de longs parfums.

IV

Voici les vieux métiers : le cuir, le fer, le bois,
La chanson d´établi dans les copeaux éclose ;
Le marteau sur l´enclume, et le fer chaud qu´on pose,

Et cet osier qui court flexible entre les doigts.

Ah ! Vivre ici pareil au ciel changeant des mois !
La ville a pour ceinture un clair jardin de roses
Ah ! Vivre ici parmi l´innocence des choses,
Près de la bonne terre, et loin des tristes lois.

Ô songe d’une vie heureuse et monotone !
Bon pain quotidien ; lait pur ; conscience bonne ;
Simplicité des coeurs levés avant le jour…

Oui, mais qui sait, hélas ! Peut-être quels mystères
Même ici, trame, aux nuits d’orage et d’adultères,

Ce vieux couple éternel, l’avarice et l’amour ?