Premiers soirs de printemps : tendresse inavouée Aux tiédeurs de la brise écharpe dénouée Caresse aérienne encens mystérieux Urne qu´une main d´ange incline au bord des cieux
Oh ! Quel désir ainsi, troublant le fond des âmes, Met ce pli de langueur à la hanche des femmes ? Le couchant est d´or rose et la joie emplit l´air, Et la ville, ce soir, chante comme la mer. Du clair jardin d´avril la porte est entr´ouverte, Aux arbres légers tremble une poussière verte. Un peuple d´artisans descend des ateliers ; Et, dans l´ombre où sans fin sonnent les lourds souliers, On dirait qu´une main de Véronique essuie Les fronts rudes tachés de sueur et de suie. La semaine s´achève, et voici que soudain, Joyeuses d´annoncer la pâques de demain, Les cloches, s´ébranlant aux vieilles tours gothiques,
Et revenant du fond des siècles catholiques, Font tressaillir quand même aux frissons anciens Ce qui reste de foi dans nos vieux os chrétiens ! Mais déjà, souriant sous ses voiles sévères, La nuit, la nuit païenne apprête ses mystères ; Et le croissant d´or fin, qui monte dans l´azur, Rayonne, par degrés plus limpide et plus pur. Sur la ville brûlante, un instant apaisée, On dirait qu´une main de femme s´est posée ; Les couleurs, les rumeurs s´éteignent peu à peu ; L´enchantement du soir s´achève et tout est bleu ! Ineffable minute où l´âme de la foule Se sent mourir un peu dans le jour qui s´écoule
Et le coeur va flottant vers de tendres hasards Dans l´ombre qui s´étoile aux lanternes des chars. Premiers soirs de printemps : brises, légères fièvres ! Douceur des yeux ! tiédeur des mains ! langueur des lèvres ! Et l´amour, une rose à la bouche, laissant Traîner à terre un peu de son manteau glissant, Nonchalamment s´accoude au parapet du fleuve, Et puisant au carquois d´or une flèche neuve, De ses beaux yeux voilés, cruel adolescent, Sourit, silencieux, à la nuit qui consent.