Va dire, Amour, ce qui cause ma peine, A mon seigneur, que je m´en vais mourir, Et, par pitié, venant me secourir, Qu´il m´eût rendu la Mort moins inhumaine.
A deux genoux je demande merci. Par grâce, Amour, va-t´en vers sa demeure. Dis-lui comment je prie et pleure ici, Tant et si bien qu´il faudra que je meure Tout enflammée, et ne sachant point l´heure Où finira mon adoré souci. La Mort m´attend, et s´il ne me relève De ce tombeau prêt à me recevoir, J´y vais dormir, emportant mon doux rêve ; Hélas ! Amour, fais-lui mon mal savoir.
Depuis le jour où, le voyant vainqueur, D´être amoureuse, Amour, tu m´as forcée, Fût-ce un instant, je n´ai pas eu le coeur De lui montrer ma craintive pensée, Dont je me sens à tel point oppressée, Mourant ainsi, que la Mort me fait peur. Qui sait pourtant, sur mon pâle visage,
Si ma douleur lui déplairait à voir ? De l´avouer je n´ai pas le courage. Hélas ! Amour, fais-lui mon mal savoir.
Puis donc, Amour, que tu n´as pas voulu A ma tristesse accorder cette joie Que dans mon coeur mon doux seigneur ait lu, Ni vu les pleurs où mon chagrin se noie, Dis-lui du moins, et tâche qu´il le croie, Que je vivrais, si je ne l´avais vu. Dis-lui qu´un jour, une Sicilienne Le vit combattre et faire son devoir. Dans son pays, dis-lui qu´il s´en souvienne, Et que j´en meurs, faisant mon mal savoir.