đđ€ Paroles de chanson Française et Internationnales đ€đ
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Titre : Le mie prigioni (mes prisons)
On dit : « Triste comme la porte
Dâune prison. »
Et je crois, le diable mâemporte !
Quâon a raison.
Dâabord, pour ce qui me regarde,
Mon sentiment
Est quâil vaut mieux monter sa garde,
Décidément.
Je suis, depuis une semaine,
Dans un cachot,
Et je mâaperçois avec peine
Quâil fait trĂšs chaud.
Je vais bouder Ă la fenĂȘtre,
Tout en fumant ;
Le soleil commence Ă paraĂźtre
Tout doucement.
Câest une belle perspective,
De grand matin,
Que des gens qui font la lessive
Dans le lointain.
Pour se distraire, si lâon bĂąille,
On aperçoit
Dâabord une longue muraille,
Puis un long toit.
Ceux à qui ce séjour tranquille
Est inconnu
Ignorent lâeffet dâune tuile
Sur un mur nu.
Je nâaurais jamais cru moi-mĂȘme,
Sans lâavoir vu,
Ce que ce spectacle suprĂȘme
A dâimprĂ©vu.
Pourtant les rayons de lâautomne
Jettent encor
Sur ce toit plat et monotone
Un rĂ©seau dâor.
Et ces cachots nâont rien de triste,
Il sâen faut bien :
Peintre ou poĂšte, chaque artiste
Y met du sien.
De dessins, de caricatures
Ils sont couverts.
ĂĂ et lĂ quelques Ă©critures
Semblent des vers.
Chacun tire une rĂȘverie
De son bonnet :
Celui-ci, la Vierge Marie,
Lâautre, un sonnet.
LĂ , câest Madeleine en peinture,
Pieds nus, qui lit ;
Vénus rit sous la couverture,
Au pied du lit.
Plus loin, câest la Foi, lâEspĂ©rance,
La Charité,
Grands croquis faits Ă toute outrance,
Non sans beauté.
Une Andalouse assez gaillarde,
Au cou mignon,
Est dans un coin qui vous regarde
Dâun air grognon.
Celui qui fit, je le présume,
Ce médaillon,
Avait un gentil brin de plume
A son crayon.
Le Christ regarde Louis-Philippe
Dâun air surpris ;
Un bonhomme fume sa pipe
Sur le lambris.
Ensuite vient un paysage
TrÚs compliqué
OĂč lâon voit quâun monsieur trĂšs sage
Sâest appliquĂ©.
Dirai-je quelles odalisques
Les peintres font,
A leurs trÚs grands périls et risques,
Jusquâau plafond ?
Toutes ces lettres effacées
Parlent pourtant ;
Elles ont vécu, ces pensées,
Fût-ce un instant.
Que de gens, captifs pour une heure,
Tristes ou non,
Ont Ă cette pauvre demeure
Laissé leur nom !
Sur ce vieux lit oĂč je rimaille
Ces vers perdus,
Sur ce traversin oĂč je bĂąille
A bras tendus,
Combien dâautres ont mis leur tĂȘte,
Combien ont mis
Un pauvre corps, un coeur honnĂȘte
Et sans amis !
Quâest-ce donc ? en rĂȘvant Ă vide
Contre un barreau,
Je sens quelque chose dâhumide
Sur le carreau.
Que veut donc dire cette larme
Qui tombe ainsi,
Et coule de mes yeux, sans charme
Et sans souci ?
Est-ce que jâaime ma maĂźtresse ?
Non, par ma foi !
Son veuvage ne lâintĂ©resse
Pas plus que moi.
Est-ce que je vais faire un drame ?
Par tous les dieux !
Chanson pour chanson, une femme
Vaut encor mieux.
Sentirais-je quelque ingénue
Velléité
Dâaimer cette belle inconnue,
La Liberté ?
On dit, lorsque ce grand fantĂŽme
Est verrouillé,
Quâil a lâair triste comme un tome
Dépareillé.
Est-ce que jâaurais quelque dette ?
Mais, Dieu merci !
Je suis en lieu sĂ»r : on nâarrĂȘte
Personne ici.
Cependant cette larme coule,
Et je la vois
Qui brille en tremblant et qui roule
Entre mes doigts.
Elle a raison, elle veut dire :
Pauvre petit,
A ton insu ton coeur respire
Et tâavertit
Que le peu de sang qui lâanime
Est ton seul bien,
Que tout le reste est pour la rime
Et ne dit rien.
Mais nul ĂȘtre nâest solitaire,
MĂȘme en pensant,
Et Dieu nâa pas fait pour te plaire
Ce peu de sang.
Lorsque tu railles ta misĂšre
Dâun air moqueur,
Tes amis, ta soeur et ta mĂšre
Sont dans ton coeur.
Cette pùle et faible étincelle
Qui vit en toi,
Elle marche, elle est immortelle,
Et suit sa loi.
Pour la transmettre, il faut soi-mĂȘme
La recevoir,
Et lâon songe Ă tout ce quâon aime
Sans le savoir.