đŸ’ƒđŸŽ€ Paroles de chanson Française et Internationnales đŸŽ€đŸ’ƒ

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Artiste : Alfred De Musset
Titre : Le mie prigioni (mes prisons)
On dit : « Triste comme la porte
D’une prison. »
Et je crois, le diable m’emporte !
Qu’on a raison.

D’abord, pour ce qui me regarde,
Mon sentiment
Est qu’il vaut mieux monter sa garde,
Décidément.

Je suis, depuis une semaine,
Dans un cachot,
Et je m’aperçois avec peine
Qu’il fait trùs chaud.

Je vais bouder Ă  la fenĂȘtre,
Tout en fumant ;
Le soleil commence Ă  paraĂźtre
Tout doucement.

C’est une belle perspective,
De grand matin,
Que des gens qui font la lessive

Dans le lointain.

Pour se distraire, si l’on bñille,
On aperçoit
D’abord une longue muraille,
Puis un long toit.

Ceux à qui ce séjour tranquille
Est inconnu
Ignorent l’effet d’une tuile
Sur un mur nu.

Je n’aurais jamais cru moi-mĂȘme,
Sans l’avoir vu,
Ce que ce spectacle suprĂȘme
A d’imprĂ©vu.

Pourtant les rayons de l’automne

Jettent encor
Sur ce toit plat et monotone
Un rĂ©seau d’or.

Et ces cachots n’ont rien de triste,
Il s’en faut bien :
Peintre ou poĂšte, chaque artiste
Y met du sien.

De dessins, de caricatures
Ils sont couverts.
Çà et lĂ  quelques Ă©critures
Semblent des vers.

Chacun tire une rĂȘverie
De son bonnet :
Celui-ci, la Vierge Marie,
L’autre, un sonnet.

Là, c’est Madeleine en peinture,
Pieds nus, qui lit ;
Vénus rit sous la couverture,
Au pied du lit.

Plus loin, c’est la Foi, l’EspĂ©rance,
La Charité,
Grands croquis faits Ă  toute outrance,
Non sans beauté.

Une Andalouse assez gaillarde,
Au cou mignon,
Est dans un coin qui vous regarde
D’un air grognon.

Celui qui fit, je le présume,
Ce médaillon,

Avait un gentil brin de plume
A son crayon.

Le Christ regarde Louis-Philippe
D’un air surpris ;
Un bonhomme fume sa pipe
Sur le lambris.

Ensuite vient un paysage
TrÚs compliqué
OĂč l’on voit qu’un monsieur trĂšs sage
S’est appliquĂ©.

Dirai-je quelles odalisques
Les peintres font,
A leurs trÚs grands périls et risques,
Jusqu’au plafond ?

Toutes ces lettres effacées
Parlent pourtant ;
Elles ont vécu, ces pensées,
Fût-ce un instant.

Que de gens, captifs pour une heure,
Tristes ou non,
Ont Ă  cette pauvre demeure
Laissé leur nom !

Sur ce vieux lit oĂč je rimaille
Ces vers perdus,
Sur ce traversin oĂč je bĂąille
A bras tendus,

Combien d’autres ont mis leur tĂȘte,
Combien ont mis
Un pauvre corps, un coeur honnĂȘte

Et sans amis !

Qu’est-ce donc ? en rĂȘvant Ă  vide
Contre un barreau,
Je sens quelque chose d’humide
Sur le carreau.

Que veut donc dire cette larme
Qui tombe ainsi,
Et coule de mes yeux, sans charme
Et sans souci ?

Est-ce que j’aime ma maütresse ?
Non, par ma foi !
Son veuvage ne l’intĂ©resse
Pas plus que moi.

Est-ce que je vais faire un drame ?

Par tous les dieux !
Chanson pour chanson, une femme
Vaut encor mieux.

Sentirais-je quelque ingénue
Velléité
D’aimer cette belle inconnue,
La Liberté ?

On dit, lorsque ce grand fantĂŽme
Est verrouillé,
Qu’il a l’air triste comme un tome
Dépareillé.

Est-ce que j’aurais quelque dette ?
Mais, Dieu merci !
Je suis en lieu sĂ»r : on n’arrĂȘte
Personne ici.

Cependant cette larme coule,
Et je la vois
Qui brille en tremblant et qui roule
Entre mes doigts.

Elle a raison, elle veut dire :
Pauvre petit,
A ton insu ton coeur respire
Et t’avertit

Que le peu de sang qui l’anime
Est ton seul bien,
Que tout le reste est pour la rime
Et ne dit rien.

Mais nul ĂȘtre n’est solitaire,
MĂȘme en pensant,
Et Dieu n’a pas fait pour te plaire
Ce peu de sang.

Lorsque tu railles ta misĂšre
D’un air moqueur,
Tes amis, ta soeur et ta mĂšre
Sont dans ton coeur.

Cette pùle et faible étincelle
Qui vit en toi,
Elle marche, elle est immortelle,
Et suit sa loi.

Pour la transmettre, il faut soi-mĂȘme
La recevoir,
Et l’on songe à tout ce qu’on aime
Sans le savoir.