{Philippe Torreton} On cherchait dans un bar un joueur d´accordéon Lucien avait sorti son orchestre à boutons Essoufflé, il pointa à l´adresse indiquée Et poussa un battant d´un bleu karaoké
L´annonce était dessus, pas besoin d´un dessin : "C´est à la fin du bal qu´on paie les musiciens"
{Allain Leprest} Il salua du menton un militaire assis Demanda "C´est-y là ?" On lui dit "C´est ici" Pas besoin de sortir l´instrument de sa housse Le patron l´embaucha d´un claquement de pouce Râlant d´une voix gaie comme un jour de Toussaint : "C´est à la fin du bal qu´on paie les musiciens"
{Philippe Torreton} Il tordit son soufflet jusqu´au matin très tôt La barmaid ondulait en servant ses plateaux Et lui piquait la peau et lui frôlait les doigts (Nom d´un chien !) "Tu joues bien", souriait-elle, il pensait "C´est pour toi"
Un regard en promesse dans le V de ses seins "C´est à la fin du bal qu´on paie les musiciens"
{Allain Leprest} Le militaire assis lançait des yeux vicieux Mâchonnant un ticket dans ses crocs silencieux A six heures la barmaid éteignait la sono Il quittait les bretelles de son pauvre piano Lui glissant à l´oreille, un vrai marrant, Lucien "C´est à la fin du bal qu´on paie les musiciens"
{Philippe Torreton} La rue était déserte, dehors il l´attendit Un quidam en képi, du moins on aurait dit Sembla suivre leurs pas jusqu´au seuil d´un hôtel La ville avait le son d´une ruche en éveil
Un murmure s´élevait de ce furieux essaim "C´est à la fin du bal qu´on paie les musiciens"
{Allain Leprest} L´annonce a disparu à l´enseigne du troquet Peut-être de fatigue, peut-être d´un hoquet A trois portes de là un accordéonniste A craqué ses poumons - nul n´a suivi la piste D´un ticket mâchonné perdu dans les coussins "C´est à la fin du bal qu´on paie les musiciens"