Douze magiciens dansaient une ronde sous la grosse cloche de Saint-Jean. Ils évoquèrent l´orage l´un après l´autre, et du fond de mon lit je comptai avec épouvante douze
voix qui traversèrent processionnellement les ténèbres.
Aussitôt la lune courut se cacher derrière les nuées, et une pluie mêlée d´éclairs et de tourbillons fouetta ma fenêtre, tandis que les girouettes criaient comme des grues en sentinelle sur qui crève l´averse dans les bois.
La chanterelle de mon luth, appendu à la cloison, éclata ; mon chardonneret battit de l´aile dans sa cage ; quelque esprit curieux tourna un feuillet du Roman-de-la-Rose qui
dormait sur mon pupitre.
Mais soudain gronda la foudre au haut de Saint-Jean. Les enchanteurs s´évanouirent frappés à mort, et je vis de loin leurs livres de magie brûler comme une torche dans le noir clocher.
Cette effrayante lueur peignait des rouges flammes du purgatoire et de l´enfer les murailles de la gothique église, et prolongeait sur les maisons voisines l´ombre de la statue gigantesque de Saint-Jean.
Les girouettes se rouillèrent ; la lune fondit les nuées gris de perle ; la pluie ne tomba plus que goutte à goutte des bords du toit, et la brise, ouvrant ma fenêtre mal close, jeta sur mon oreiller les fleurs de mon jasmin secoué par l´orage.