Si tu pouvais jamais égaler, ô ma lyre, Le doux frémissement des ailes du zéphyre À travers les rameaux,
Ou l´onde qui murmure en caressant ces rives, Ou le roucoulement des colombes plaintives, Jouant aux bords des eaux ;
Si, comme ce roseau qu´un souffle heureux anime, Tes cordes exhalaient ce langage sublime, Divin secret des cieux, Que, dans le pur séjour où l´esprit seul s´envole, Les anges amoureux se parlent sans parole, Comme les yeux aux yeux ;
Si de ta douce voix la flexible harmonie, Caressant doucement une âme épanouie Au souffle de l´amour, La berçait mollement sur de vagues images, Comme le vent du ciel fait flotter les nuages Dans la pourpre du jour :
Tandis que sur les fleurs mon amante sommeille, Ma voix murmurerait tout bas à son oreille Des soupirs, des accords, Aussi purs que l´extase où son regard me plonge, Aussi doux que le son que nous apporte un songe Des ineffables bords !
Ouvre les yeux, dirais-je, ô ma seule lumière ! Laisse-moi, laisse-moi lire dans ta paupière Ma vie et ton amour ! Ton regard languissant est plus cher à mon âme Que le premier rayon de la céleste flamme Aux yeux privés du jour.