Un jour, le temps jaloux, d´une haleine glacée, Fanera tes couleurs comme une fleur passée Sur ces lits de gazon ; Et sa main flétrira sur tes charmantes lèvres Ces rapides baisers, hélas ! dont tu me sèvres
Dans leur fraîche saison.
Mais quand tes yeux, voilés d´un nuage de larmes, De ces jours écoulés qui t´ont ravi tes charmes Pleureront la rigueur ; Quand dans ton souvenir, dans l´onde du rivage Tu chercheras en vain ta ravissante image, Regarde dans mon coeur !
Là ta beauté fleurit pour des siècles sans nombre ; Là ton doux souvenir veille à jamais à l´ombre De ma fidélité, Comme une lampe d´or dont une vierge sainte Protège avec la main, en traversant l´enceinte, La tremblante clarté.
Et quand la mort viendra, d´un autre amour suivie, Éteindre en souriant de notre double vie L´un et l´autre flambeau, Qu´elle étende ma couche à côté de la tienne, Et que ta main fidèle embrasse encor la mienne Dans le lit du tombeau.
Ou plutôt puissions-nous passer sur cette terre, Comme on voit en automne un couple solitaire De cygnes amoureux Partir, en s´embrassant, du nid qui les rassemble, Et vers les doux climats qu´ils vont chercher ensemble