Le roi brillant du jour, se couchant dans sa gloire, Descend avec lenteur de son char de victoire. Le nuage éclatant qui le cache à nos yeux Conserve en sillons d´or sa trace dans les cieux,
Et d´un reflet de pourpre inonde l´étendue. Comme une lampe d´or, dans l´azur suspendue, La lune se balance aux bords de l´horizon ; Ses rayons affaiblis dorment sur le gazon, Et le voile des nuits sur les monts se déplie : C´est l´heure où la nature, un moment recueillie, Entre la nuit qui tombe et le jour qui s´enfuit, S´élève au Créateur du jour et de la nuit, Et semble offrir à Dieu, dans son brillant langage, De la création le magnifique hommage. Voilà le sacrifice immense, universel ! L´univers est le temple, et la terre est l´autel ; Les cieux en sont le dôme : et ces astres sans nombre, Ces feux demi-voilés, pâle ornement de l´ombre,
Dans la voûte d´azur avec ordre semés, Sont les sacrés flambeaux pour ce temple allumés : Et ces nuages purs qu´un jour mourant colore, Et qu´un souffle léger, du couchant à l´aurore, Dans les plaines de l´air, repliant mollement, Roule en flocons de pourpre aux bords du firmament, Sont les flots de l´encens qui monte et s´évapore Jusqu´au trône du Dieu que la nature adore. Mais ce temple est sans voix. Où sont les saints concerts ? D´où s´élèvera l´hymne au roi de l´univers ? Tout se tait : mon coeur seul parle dans ce silence. La voix de l´univers, c´est mon intelligence.
Sur les rayons du soir, sur les ailes du vent, Elle s´élève à Dieu comme un parfum vivant ; Et, donnant un langage à toute créature, Prête pour l´adorer mon âme à la nature. Seul, invoquant ici son regard paternel, Je remplis le désert du nom de I´Eternel ; Et celui qui, du sein de sa gloire infinie, Des sphères qu´il ordonne écoute l´harmonie, Ecoute aussi la voix de mon humble raison, Qui contemple sa gloire et murmure son nom. Salut, principe et fin de toi-même et du monde, Toi qui rends d´un regard l´immensité féconde ; Ame de l´univers, Dieu, père, créateur, Sous tous ces noms divers je crois en toi, Seigneur ; Et, sans avoir besoin d´entendre ta parole, Je lis au front des cieux mon glorieux symbole.
L´étendue à mes yeux révèle ta grandeur, La terre ta bonté, les astres ta splendeur. Tu t´es produit toi-même en ton brillant ouvrage ; L´univers tout entier réfléchit ton image, Et mon âme à son tour réfléchit l´univers. Ma pensée, embrassant tes attributs divers, Partout autour de soi te découvre et t´adore, Se contemple soi-même et t´y découvre encore Ainsi l´astre du jour éclate dans les cieux, Se réfléchit dans l´onde et se peint à mes yeux. C´est peu de croire en toi, bonté, beauté suprême ; Je te cherche partout, j´aspire à toi, je t´aime ; Mon âme est un rayon de lumière et d´amour Qui, du foyer divin, détaché pour un jour,
De désirs dévorants loin de toi consumée, Brûle de remonter à sa source enflammée. Je respire, je sens, je pense, j´aime en toi. Ce monde qui te cache est transparent pour moi ; C´est toi que je découvre au fond de la nature, C´est toi que je bénis dans toute créature. Pour m´approcher de toi, j´ai fui dans ces déserts ; Là, quand l´aube, agitant son voile dans les airs, Entr´ouvre l´horizon qu´un jour naissant colore, Et sème sur les monts les perles de l´aurore, Pour moi c´est ton regard qui, du divin séjour, S´entr´ouvre sur le monde et lui répand le jour : Quand l´astre à son midi, suspendant sa carrière, M´inonde de chaleur, de vie et de lumière,
Dans ses puissants rayons, qui raniment mes sens, Seigneur, c´est ta vertu, ton souffle que je sens ; Et quand la nuit, guidant son cortège d´étoiles, Sur le monde endormi jette ses sombres voiles, Seul, au sein du désert et de l´obscurité, Méditant de la nuit la douce majesté, Enveloppé de calme, et d´ombre, et de silence, Mon âme, de plus près, adore ta présence ; D´un jour intérieur je me sens éclairer, Et j´entends une voix qui me dit d´espérer. Oui, j´espère, Seigneur, en ta magnificence : Partout à pleines mains prodiguant l´existence, Tu n´auras pas borné le nombre de mes jours A ces jours d´ici-bas, si troublés et si courts.
Je te vois en tous lieux conserver et produire ; Celui qui peut créer dédaigne de détruire. Témoin de ta puissance et sûr de ta bonté J´attends le jour sans fin de l´immortalité. La mort m´entoure en vain de ses ombres funèbres, Ma raison voit le jour à travers ces ténèbres. C´est le dernier degré qui m´approche de toi, C´est le voile qui tombe entre ta face et moi. Hâte pour moi, Seigneur, ce moment que j´implore ; Ou, si, dans tes secrets tu le retiens encore, Entends du haut du ciel le cri de mes besoins ; L´atome et l´univers sont l´objet de tes soins, Des dons de ta bonté soutiens mon indigence, Nourris mon corps de pain, mon âme d´espérance ; Réchauffe d´un regard de tes yeux tout-puissants
Mon esprit éclipsé par l´ombre de mes sens Et, comme le soleil aspire la rosée, Dans ton sein, à jamais, absorbe ma pensée.