Ici viennent mourir les derniers bruits du monde Nautoniers sans étoile, abordez ! c´est le port : Ici l´âme se plonge en une paix profonde, Et cette paix n´est pas la mort.
Ici jamais le ciel n´est orageux ni sombre ; Un jour égal et pur y repose les yeux. C´est ce vivant soleil, dont le soleil est l´ombre, Qui le répand du haut des cieux.
Comme un homme éveillé longtemps avant l´aurore Jeunes, nous avons fui dans cet heureux séjour, Notre rêve est fini, le vôtre dure encore ; Eveillez-vous ! voilà le jour.
Coeurs tendres, approchez ! Ici l´on aime encore ; Mais l´amour, épuré, s´allume sur l´autel. Tout ce qu´il a d´humain, à ce feu s´évapore ; Tout ce qui reste est immortel !
La prière qui veille en ces saintes demeures De l´astre matinal nous annonce le cours ; Et, conduisant pour nous le char pieux des heures, Remplit et mesure nos jours.
L´airain religieux s´éveille avec l´aurore. ; Il mêle notre hommage à la voix des zéphyrs, Et les airs, ébranlés sous le marteau sonore, Prennent l´accent de nos soupirs.
Dans le creux du rocher, sous une voûte obscure, S´élève un simple autel : roi du ciel, est-ce toi ? Oui, contraint par l´amour, le Dieu de la nature Y descend, visible à la foi.
Que ma raison se taise, et que mon coeur adore ! La croix à mes regards révèle un nouveau jour ; Aux pieds d´un Dieu mourant, puis-je douter encore ? Non, l´amour m´explique l´amour !
Tous ces fronts prosternés, ce feu qui les embrase, Ces parfums, ces soupirs s´exhalant du saint lieu, Ces élans enflammés, ces larmes de l´extase, Tout me répond que c´est un Dieu.
Favoris du Seigneur, souffrez qu´à votre exemple, Ainsi qu´un mendiant aux portes d´un palais, J´adore aussi de loin, sur le seuil de son temple,
Le Dieu qui vous donne la paix.
Ah ! laissez-moi mêler mon hymne à vos louanges ! Que mon encens souillé monte avec votre encens. Jadis les fils de l´homme aux saints concerts des anges Ne mêlaient-ils pas leurs accents !
Du nombre des vivants chaque aurore m´efface, Je suis rempli de jours, de douleurs, de remords. Sous le portique obscur venez marquer ma place, Ici, près du séjour des morts !
Souffrez qu´un étranger veille auprès de leur cendre, Brûlant sur un cercueil comme ces saints flambeaux;
La mort m´a tout ravi, la mort doit tout me rendre; J´attends le réveil des tombeaux !
Ah ! puissé-je près d´eux, au gré de mon envie, A l´ombre de l´autel, et non loin de ce port, Seul, achever ainsi les restes de ma vie Entre l´espérance et la mort !