💃🎤 Paroles de chanson Française et Internationnales 🎤💃

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Artiste : Alphonse De Lamartine
Titre : Le chêne suite de Jehova
Voilà ce chêne solitaire
Dont le rocher s´est couronné,
Parlez à ce tronc séculaire,
Demandez comment il est né.

Un gland tombe de l´arbre et roule sur la terre,
L´aigle à la serre vide, en quittant les vallons,
S´en saisit en jouant et l´emporte à son aire
Pour aiguiser le bec de ses jeunes aiglons;
Bientôt du nid désert qu´emporte, la tempête
Il roule confondu dans les débris mouvants,
Et sur la roche nue un grain de sable arrête
Celui qui doit un jour rompre l´aile des vents;
L´été vient, l´Aquilon soulève
La poudre des sillons, qui pour lui n´est qu´un jeu,
Et sur le germe éteint où couve encor la sève
En laisse retomber un peu !
Le printemps de sa tiède ondée
L´arrose comme avec la main ;
Cette poussière est fécondée
Et la vie y circule enfin!

La vie ! à ce seul mot tout oeil, toute pensée,
S´inclinent confondus et n´osent pénétrer ;
Au seuil de l´Infini c´est la borne placée ;
Où la sage ignorance et l´audace insensée
Se rencontrent pour adorer !

Il vit, ce géant des collines !
Mais avant de paraître au jour,
Il se creuse avec ses racines
Des fondements comme une tour.
Il sait quelle lutte s´apprête,
Et qu´il doit contre la tempête
Chercher sous la terre un appui;
Il sait que l´ouragan sonore
L´attend au jour !.., ou, s´il l´ignore,
Quelqu´un du moins le sait pour lui !

Ainsi quand le jeune navire
Où s´élancent les matelots,
Avant d´affronter son empire,
Veut s´apprivoiser sur les flots,
Laissant filer son vaste câble,
Son ancre va chercher le sable
Jusqu´au fond des vallons mouvants,
Et sur ce fondement mobile
Il balance son mât fragile
Et dort au vain roulis des vents !

Il vit ! Le colosse superbe
Qui couvre un arpent tout entier
Dépasse à peine le brin d´herbe
Que le moucheron fait plier !
Mais sa feuille boit la rosée,
Sa racine fertilisée

Grossit comme une eau dans son cours,
Et dans son coeur qu´il fortifie
Circule un sang ivre de vie
Pour qui les siècles sont des jours !

Les sillons où les blés jaunissent
Sous les pas changeants des saisons,
Se dépouillent et se vêtissent
Comme un troupeau de ses toisons ;
Le fleuve naît, gronde et s´écoule,
La tour monte, vieillit, s´écroule ;
L´hiver effeuille le granit,
Des générations sans nombre
Vivent et meurent sous son ombre,
Et lui ? voyez ! il rajeunit !

Son tronc que l´écorce protège,
Fortifié par mille noeuds,

Pour porter sa feuille ou sa neige
S´élargit sur ses pieds noueux ;
Ses bras que le temps multiplie,
Comme un lutteur qui se replie
Pour mieux s´élancer en avant,
Jetant leurs coudes en arrière,
Se recourbent dans la carrière
Pour mieux porter le poids du vent !

Et son vaste et pesant feuillage,
Répandant la nuit alentour,
S´étend, comme un large nuage,
Entre la montagne et le jour ;
Comme de nocturnes fantômes,
Les vents résonnent dans ses dômes,
Les oiseaux y viennent dormir,
Et pour saluer la lumière
S´élèvent comme une poussière,

Si sa feuille vient à frémir!

La nef, dont le regard implore
Sur les mers un phare certain,
Le voit, tout noyé dans l´aurore,
Pyramider dans le lointain !
Le soir fait pencher sa grande ombre
Des flancs de la colline sombre
Jusqu´au pied des derniers coteaux.
Un seul des cheveux de sa tête
Abrite contre la tempête
Et le pasteur et les troupeaux !

Et pendant qu´au vent des collines
Il berce ses toits habités,
Des empires dans ses racines,
Sous son écorce des cités ;
Là, près des ruches des abeilles,

Arachné tisse ses merveilles,
Le serpent siffle, et la fourmi
Guide à des conquêtes de sables
Ses multitudes innombrables
Qu´écrase un lézard endormi !

Et ces torrents d´âme et de vie,
Et ce mystérieux sommeil,
Et cette sève rajeunie
Qui remonte avec le soleil ;
Cette intelligence divine
Qui pressent, calcule, devine
Et s´organise pour sa fin,
Et cette force qui renferme
Dans un gland le germe du germe
D´êtres sans nombres et sans fin !

Et ces mondes de créatures

Qui, naissant et vivant de lui,
Y puisent être et nourritures
Dans les siècles comme aujourd´hui;
Tout cela n´est qu´un gland fragile
Qui tombe sur le roc stérile
Du bec de l´aigle ou du vautour !
Ce n´est qu´une aride poussière
Que le vent sème en sa carrière
Et qu´échauffe un rayon du jour !

Et moi, je dis : Seigneur ! c´est toi seul, c´est ta force,
Ta sagesse et ta volonté,
Ta vie et ta fécondité,
Ta prévoyance et ta bonté !
Le ver trouve ton nom gravé sous son écorce,
Et mon oeil dans sa masse et son éternité !