đŸ’ƒđŸŽ€ Paroles de chanson Française et Internationnales đŸŽ€đŸ’ƒ

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Artiste : Alphonse De Lamartine
Titre : Le golfe de Baya
Vois-tu comme le flot paisible
Sur le rivage vient mourir !
Vois-tu le volage zéphyr
Rider, d’une haleine insensible,
L’onde qu’il aime à parcourir !

Montons sur la barque légÚre
Que ma main guide sans efforts,
Et de ce golfe solitaire
Rasons timidement les bords.

Loin de nous déjà fuit la rive.
Tandis que d’une main craintive
Tu tiens le docile aviron,
Courbé sur la rame bruyante
Au sein de l’onde frĂ©missante
Je trace un rapide sillon.

Dieu ! quelle fraĂźcheur on respire !
Plongé dans le sein de Thétis,
Le soleil a cĂ©dĂ© l’empire
A la pĂąle reine des nuits.
Le sein des fleurs demi-fermées
S’ouvre, et de vapeurs embaumĂ©es

En ce moment remplit les airs ;

Et du soir la brise légÚre
Des plus doux parfums de la terre
A son tour embaume les mers.

Quels chants sur ces flots retentissent ?
Quels chants éclatent sur ces bords ?
De ces deux concerts qui s’unissent
L’écho prolonge les accords.
N’osant se fier aux Ă©toiles,
Le pĂȘcheur, repliant ses voiles,
Salue, en chantant, son séjour.
Tandis qu’une folle jeunesse
Pousse au ciel des cris d’allĂ©gresse,
Et fĂȘte son heureux retour.

Mais dĂ©jĂ  l’ombre plus Ă©paisse

Tombe, et brunit les vastes mers ;
Le bord s’efface, le bruit cesse,
Le silence occupe les airs.
C’est l’heure oĂč la mĂ©lancolie
S’assoit pensive et recueillie
Aux bords silencieux des mers,
Et, méditant sur les ruines,
Contemple au penchant des collines
Ce palais, ces temples déserts.

O de la liberté vieille et sainte patrie !
Terre autrefois féconde en sublimes vertus !
Sous d’indignes CĂ©sars maintenant asservie,
Ton empire est tombé ! tes héros ne sont plus !
Mais dans ton sein l’ñme agrandie
Croit sur leurs monuments respirer leur génie,
Comme on respire encor dans un temple aboli
La majesté du dieu dont il était rempli.

Mais n’interrogeons pas vos cendres gĂ©nĂ©reuses,
Vieux Romains ! fiers Catons ! mĂąnes des deux Brutus !
Allons redemander Ă  ces murs abattus
Des souvenirs plus doux, des ombres plus heureuses,

Horace, dans ce frais séjour,
Dans une retraite embellie
Par le plaisir et le génie,
Fuyait les pompes de la cour ;
Properce y visitait Cinthie,
Et sous les regards de Délie
Tibulle y modulait les soupirs de l’amour.
Plus loin, voici l’asile oĂč vint chanter le Tasse,
Quand, victime à la fois du génie et du sort,

Errant dans l’univers, sans refuge et sans port,
La pitié recueillit son illustre disgrùce.
Non loin des mĂȘmes bords, plus tard il vint mourir ;
La gloire l’appelait, il arrive, il succombe :
La palme qui l’attend devant lui semble fuir,
Et son laurier tardif n’ombrage que sa tombe.

Colline de Baya ! poétique séjour !
Voluptueux vallon qu’habita tour à tour
Tout ce qui fut grand dans le monde,
Tu ne retentis plus de gloire ni d’amour.
Pas une voix qui me réponde,
Que le bruit plaintif de cette onde,
Ou l’écho rĂ©veillĂ© des dĂ©bris d’alentour !

Ainsi tout change, ainsi tout passe ;
Ainsi nous-mĂȘmes nous passons,
Hélas ! sans laisser plus de trace
Que cette barque oĂč nous glissons
Sur cette mer oĂč tout s’efface.