đŸ’ƒđŸŽ€ Paroles de chanson Française et Internationnales đŸŽ€đŸ’ƒ

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Artiste : Anatole France
Titre : Les Cerfs
Aux vapeurs du matin, sous les fauves ramures
Que le vent automnal emplit de longs murmures,
Les rivaux, les deux cerfs luttent dans les halliers :
Depuis l’heure du soir oĂč leur fureur errante

Les entraĂźna tous deux vers la biche odorante,
Ils se frappent l’un l’autre à grands coups d’andouillers.

Suants, fumants, en feu, quant vint l’aube incertaine,
Tous deux sont allés boire ensemble à la fontaine,
Puis d’un choc plus terrible ils ont mĂȘlĂ© leurs bois.
Leurs bonds dans les taillis font le bruit de la grĂȘle
Ils halĂštent, ils sont fourbus, leur jarret grĂȘle
Flageole du frisson de leurs prochains abois.

Et cependant, tranquille et sa robe lustrée,
La biche au ventre clair, la bĂȘte dĂ©sirĂ©e

Attend; ses jeunes dents mordent les arbrisseaux;
Elle écoute passer les souffles et les rùles;
Et, tiĂšde dans le vent, la fauve odeur des mĂąles
D’un prompt frĂ©missement effleure ses naseaux.

Enfin l’un des deux cerfs, celui que la Nature
Arma trop faiblement pour la lutte future,
S’abat, le ventre ouvert, Ă©cumant et sanglant.
L’oeil terne, il a lĂ©chĂ© sa mĂąchoire brisĂ©e;
Et la mort vient dĂ©jĂ , dans l’aube et la rosĂ©e.
Apaiser par degrés son poitrail pantelant.

Douce aux destins nouveaux, son ùme végétale
Se disperse aisĂ©ment dans la forĂȘt natale ;
L’universelle vie accueille ses esprits :

Il redonne Ă  la terre, aux vents aromatiques.
Aux chĂȘnes, aux sapins, ses nourriciers antiques.
Aux fontaines, aux fleurs, tout ce qu’il leur a pris.

Telle est la guerre au sein des forĂȘts maternelles.
Qu’elle ne trouble point nos sereines prunelles :
Ce cerf vécut et meurt selon de bonnes lois,
Car son Ăąme confuse et vaguement ravie
A dans les jours de paix goûté la douce vie;
Son ñme s’est complu, muette, au sein des bois.

Au sein des bois sacrés, le temps coule limpide,
La peur est ignorée et la mort est rapide ;

Aucun ĂȘtre n’existe ou ne pĂ©rit en vain.
Et le vainqueur sanglant qui brame Ă  la lumiĂšre.
Et que suit désormais la biche douce et fiÚre,
A les reins et le cƓur bons pour l’Ɠuvre divin.

L’Amour, l’Amour puissant, la VoluptĂ© fĂ©conde.
Voilà le dieu qui crée incessamment le monde.
Le pĂšre de la vie et des destins futurs !
C’est par l’Amour fatal, par ses luttes cruelles.
Que l’univers s’anime en des formes plus belles.
S’achùve et se connaüt en des esprits plus purs