Du temps que j´étais écolier sauvage En un vieux collège aux livres moisis, S´en vint jusqu´à moi, s´en vint une page D´un recueil tout frais de Morceaux choisis .
Comme l´eau d´avril au creux des fontaines, Ainsi le printemps riait dans ces vers. Je lus et je vis, aux brumes lointaines, S´ouvrir les yeux neufs d´un autre univers.
Je n´étais plus seul dans ma solitude : Un soleil ami, voilé de langueur, Dorait les bancs noirs de la sombre étude Et de sa tendresse inondait mon coeur.
Oh ! les beaux vers francs, et de quelle flamme, Intimes et chauds, comme le foyer! Leur chant vous entrait si profond dans l´âme Qu´en les récitant on croyait prier.
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De qui étaient-ils ? Je l´ai su peut-être,
Mais je t´en demande humblement pardon : O maître inconnu qui fus mon vrai maître, L´enfant que j´étais oublia ton nom.
En devenant homme, il oublia même Le rythme des mots qui l´avaient charmé Mais l´accent secret, le son du poème, Je l´entends toujours, comme sublimé.
A sa caressante et souple musique Si vieilli soit-il, mon coeur fond encor, Et je bénis l´heure où ta main magique Suspendit en moi ce théorbe d´or.