Puisqu´enfin je suis un chameau Permettez que je vous agresse. Ce qui veut dire en d´autres mots : Veuillez accepter ma tendresse. Comme j´ai la réputation
D´irréductible peau de vache Je livre à votre discrétion Cette faiblesse que je cache.
Il me vient comme une douceur. Il faut l´extraire, j´en ai peur.
Puisque me voici dans vos bras Malgré que je sois une peste Constatez que je ne mords pas Et permettez qu´ainsi je reste. Si pourtant par goût personnel Vous préférez que je vous brusque C´est votre droit le plus formel Et honni soit qui s´en offusque.
Mais cette sorte de langueur Que vais-je en faire ? Quel malheur !
La garder ? Vous n´y pensez pas ! Je n´en ai vraiment pas l´usage. Auriez-vous oublié déjà Que je me dois d´être sauvage ? Vous me frôliez du bout des doigts Vous me preniez pour une brute Mais quand aujourd´hui je vous vois Dois-je penser que vous me crûtes ?
Mais j´y songe, cette douceur Est-ce vraiment un grand malheur ?
Je peux bien la cacher aussi Et l´on dira, puisque l´on cause Que nous voilà mal assortis A moins que, la plaisante chose Puisque semblable est notre lot
Et qu´enfin je suis une teigne Etant vous-même un beau salaud On nous loge à la même enseigne
Et s´il est question de bonheur Nous pouvons garder ma douceur.
Mais si je vous fais toujours peur Ne changez rien, c´est bien meilleur, meilleur.