Quand elle naquit c´était déjà Un bébé qui n´rigolait pas Et quand les autres nourrissons Poussaient toutes sortes de sons Elle, elle fronçait les sourcils
Et plissant d´un air indécis Son nez légué par un aïeul Elle f´sait la gueule
A l´école elle ne sut jamais Sourire quand il le fallait Elle ignorait superbement Les sanglots, les gémissements Qui tiennent lieu de contrition Et quand, en guise de punition On l´envoyait sous les tilleuls Elle f´sait la gueule
Amoureuse, elle essaya bien D´avoir la tête qui convient Séduire, elle connaissait pas ça Chez les sœurs on vous l´apprend pas Et quand frémissant de désir
Elle était prête à défaillir Éperdue comme un épagneul Elle f´sait la gueule
Elle eut comme tout un chacun Des maladies, des coups de chien Au lieu de pleurer comme un veau Quand on la coupa en morceaux Au lieu d´offrir aux visiteurs Un visage noyé de pleurs Devant leurs bouquets de glaïeuls Elle f´sait la gueule
Elle eut aussi, c´était fatal Des amours qui finissaient mal Elle tenait enfin l´occasion De s´épancher dans le giron D´un psy, d´être blessée, stressée
D´être suicidaire, angoissée Non, quand elle s´est retrouvée seule Elle f´sait la gueule
Somme toute, elle aura passé Sa vie sans larme décoincer C´est du moins ce qu´on en dira Et quand son heure sonnera Malgré les chagrins, les blessures Et les regrets, soyez en sûrs Mal fagotée dans son linceul Elle f´ra la gueule