Vint une belle gaillarde Épaulée comme un camion Les yeux comme des mansardes Et puis les cheveux si longs Qu´on aurait dit l´autoroute
Qui va de Marseille à Aix Elle mettait en déroute Tous les donneurs de complexes
Elle dit "Je suis Gulliverte Et je me sens bien Vous me trouvez grande, certes, Je n´en disconviens Mais vraiment, mes petits hommes, Vous êtes charmants Vous me regardez en somme Comme un monument Grande, grande, je suis grande Je m´ demande À quoi servent ces échelles, Ces escabelles"
Par amour ou par bravade
On en vit une flopée Entreprendre l´escalade De la belle démesurée Mais ils se perdaient en route Ou bien ils dégringolaient Ne pouvant la saisir toute La plupart abandonnaient
Elle dit "Je suis Gulliverte Et vous m´épatez Je ne me suis pas offerte À vos privautés Car enfin, mes petits hommes, Si je vous fais peur, Vous semblez ignorer comme, Comment bat mon cœur Grande, grande, je suis grande Je m´ demande
Comment vous faire comprendre Que je suis tendre"
Ils lui dirent "Tu es moche ! Mais pour qui donc te prends-tu ? Tu n´as rien dans la caboche Et puis tu es mal foutue Non vraiment, pour rien au monde Nous ne voudrions de toi Tu es vraiment trop immonde Tu ne nous inspires pas" Alors on vit Gulliverte Se ratatiner
"C´est une trop grande perte Je veux être aimée Prenez-moi, mes petits hommes, Je raccourcirai
Je serai comme trois pommes Si cela vous plaît Grande, grande, je suis grande Je m´ demande Quoi faire pour qu´on me désire Et même pire"
Quand elle fut assez petite On voulut bien l´épouser On l´engrossa au plus vite Pour l´empêcher de bouger Elle fut, sans crier grâce, Une admirable maman Sans un rêve qui dépasse, Trompée raisonnablement Et puis on vit Gulliverte Se mettre à changer Et par la fenêtre ouverte
On l´entendit chanter
Elle dit "Mes petits hommes Je me sens grandir Et je me retrouve comme Dans mes souvenirs Grande, grande, j´étais grande Je m´ demande Ce qui a pu me contraindre À tant vous craindre"
Elle se mit sans scrupules À s´allonger à vue d´œil Ses soupirants minuscules Durent en faire leur deuil Malgré leurs échafaudages Leurs gradins, leurs ascenseurs, Leurs chansons et leurs chantages
Elle reprit sa hauteur
Elle dit "Je suis Gulliverte Et je me sens bien Vous me trouvez grande, certes, Je n´en disconviens Maintenant, mes petits hommes, À vous de grandir Comptez plus que je me gomme Pour pas vous ternir Grande, grande, je suis grande Je m´ demande Si c´ n´est pas par votre faute Que je suis haute
Grande, grande, je suis grande Je m´ demande {x2:}