Aux douze coups de minuit Ma femme tomba dans un puits Depuis lors, époux fidèle Je soupire sur la margelle Et pour tromper mon chagrin
Je fredonne ce refrain : Ah, si j´avais une corde ! Eperdu d´ miséricorde J´ crois que rien n´ pourrait m´empêcher D´ m´en aller la repêcher
Je ne mange plus depuis Qu´elle baigne au fond d´ ce puits Et je veille en sentinelle Sur le bord de la margelle Mais sans vouloir me vanter Je me dis en vérité Que si j´avais une échelle Brûlant d´amour pour ma belle J´ m´en irais sans plus de discours Rapidement lui porter secours
"Qu´on me donne un prompt appui !"
Gémit-elle au fond du puits Et moi, redoublant de zèle Assis près de la margelle Je lui chante doucement Pour apaiser son tourment : Ah, si j´ possédais un treuil ! J´éviterais un triste deuil Car je saurais, n´en doute pas, T´épargner ce pénible trépas
Puis, jugeant que je ne puis L´abandonner dans ce puits De temps en temps, je l´appelle Penché par d´ssus la margelle D´ailleurs, j´ me fais un devoir De n´ point perdre tout espoir Preuve que les gens secourables Sont précieux pour leurs semblables
Et les assistent sans faiblir Jusques à leur dernier soupir