Seigneur, délivrez-nous de ces filles sans fesses qui regardent les nôtres avec réprobation. Seigneur, délivrez-nous de ces tristes drôlesses,
ou donnez-nous au moins quelques compensations.
Faites qu´autour de la table on leur réserve le banc: c´est assez confortable sans un certain répondant; et faites que la salade, la tomate et le citron rendent beaucoup plus malade qu´un modeste miroton; et dans votre bonté, faites aussi que le thé donne plein de calories, Vierge Marie.
Faites que dans les boutiques on regarde de travers leurs silhouettes étiques nager dans les pull-overs; qu´essayant la plus banale des robes, on leur dise un peu:
"On fait les tailles normales" sur un ton très dédaigneux; et dans votre justice, faites que dans leur 36 on les prenne pour des salsifis, ô Sainte Sophie.
Faites que tous ces jeunes hommes, les invitant à dîner, cessent un peu d´être économes et veuillent imaginer qu´en ouvrant les bras plus large, ils y gagneraient un peu: - les filles avec une marge, ça fait beaucoup moins de bleus - et faites qu´une fois, privés de contrepoids, ils se foutent la gueule par terre, ô grand Saint-Pierre.
Faites que les magazines payent le papier moins cher, - c´est pour cela, j´imagine, qu´on voit été comme hiver, rangés à douze par page des sardines très mini, des haricots sur la plage ou d´élégants spaghettis - et que les photographes, dégoûtés des girafes, découvrent les trois dimensions, Saint Timoléon.
Seigneur, gardez-vous bien de leur donner des fesses: nous porterons les nôtres avec sérénité. Seigneur, ne croyez pas surtout que ça nous blesse: abondance de biens n´a jamais rien gâté.