Tiens-toi droit! Si tu t´arrondis, tu auras l´air d´une arche. Tiens-toi droit! Si tu t´arrondis, tu auras l´air de quoi ?
Tu auras l´air d´un pont même pas de pierre, l´air d´un pont de bois, l´air d´un pont d´acier. Tu auras l´air d´un tronc par d´ssus la rivière, tu auras l´air d´un rien sur quoi j´ peux marcher, l´air d´un trait d´union, l´air d´une passerelle, l´air de ce par quoi j´ peux aller plus loin, l´air d´un fond sonore, l´air d´une ritournelle, l´air d´une musique dont j´ n´ai pas besoin.
Tu auras l´air d´un peu, l´air d´un plus grand´chose, l´air d´un intermède, d´une récréation, l´air d´un amant pour bibliothèque rose, d´un soupirant pour représentation, l´air d´un grand chemin comme tous les autres, prêtant à mes pas son sol aplani, l´air d´un macadam, l´air d´un qui se vautre,
content, bien content de ses avanies.
Mais moi je ne veux pas que tu t´arrondisses. Je veux contre toi toujours me heurter. Laisse, laisse-moi tous les précipices que sous mes pas l´amour va susciter. Je n´ veux pas de pont, je veux des rivières, je veux des torrents où tourbillonner. Je veux cette vie, je la veux entière, même si mon cœur y doit suffoquer.
Mais tiens-toi droit! Ne t´arrondis pas, il faut que je marche. Tiens-toi droit! Si tu t´arrondis, j´aurai l´air de quoi ?