Pendant des années j’ai senti En m’en retournant sur Paris Juste après le péage Comme une odeur de bois coupé Un parfum de sève échappée
Familière et sauvage Je la guettais, fugitive, De ma voiture captive Mes narines frémissaient Tandis que m’envahissait
Un bonheur incompréhensible Comme un souvenir impossible D’une autre vie, comme un regret Ou la prescience d’un après Où ça sentirait la résine La planche qu’on a rabotée La fougère et le noisetier Moi qui suis pourtant citadine Et même si j’ai tout mon temps Je sais qu’une forêt m’attend
On peut croire qu’on a rêvé
Dire qu’il n’est rien arrivé Qu´on s´est fait des idées Une odeur, c’est bien imprécis Et pourquoi cette odeur, ici, Sur la route bondée ? Je n’ai jamais eu l’audace De rechercher cette place Craignant de ne rien trouver Qui puisse justifier
Ce bonheur incompréhensible Comme un sourire irrépressible Ou comme l’ineffable joie Qu’on éprouve à rentrer chez soi Où le feu brûlerait dans l’âtre Où l’on n’aurait qu’à se poser Dans un fauteuil se reposer Où l’on n’aurait plus à se battre
Et même si j’ai tout mon temps Je sais qu’une maison m’attend
Après, je suis restée longtemps Sans faire la route et pourtant La semaine dernière Je m’en retournais sur Paris Et j’avais assis deux petits Sur la banquette arrière Ils regardaient des images Puis, juste après le péage Ont soudain levé le front Et déclaré "Ça sent bon !"
C’est sans doute incompréhensible Je dois avoir le cœur sensible Mais j’en ai eu les larmes aux yeux Je n’avais pas rêvé ce lieu
Il existait, il est à prendre Il suffit de suivre l’odeur Un jour que je n’aurai pas peur Je ne pourrai pas me méprendre Et même si j’ai tout mon temps Peut-être qu’un bonheur m’attend Un jour que je n’aurai pas peur Je ne pourrai pas me méprendre Et même si j’ai tout mon temps Peut-être qu’un bonheur m’attend