Chez Maître Vittorio Suzo Rue de la Haute-Voltige, à Palerme J´entre en déposant Sur une tuile en essaim blanc
Mon visage encore maquillé du soir Mes yeux creusés, mes lèvres enflées Je dis Nous en aurons pour un moment Je viens à vous tel un torrent
Il me sert à boire dans une porcelaine À l´anse fêlée depuis deux cents ans Ça se tient mal, mais ça tombe bien Car c´est à la source que je reviens
Mais Suzo, habitué au mensonge Flaire le piège comme personne D´entre tous les choix pourquoi lui Pourquoi ici, pourquoi aujourd´hui?
Je n´ai suivi les traces de personne Je suis revenu sur mes pas De ma tendre enfance cette voix qui résonne
M´a guidé jusque-là
Il scrute mon visage, retire ses lunettes Les essuie dans le noble tissu Devant le bordel que j´ai foutu Il me demande ce que j´ai dit À quelle heure et à qui
Ne craignez rien Suzo Je n´ai pas dit un mot
J´allais depuis des années déjà Sous le faux nom de Simon Souvenir d´un garçon fier Bagarreur et viril à l´excès
Une mue en lenteur, une issue Pour fasciner; la candeur et l´esprit
Force élégante et méconnue Le temps du charme d´une première nuit
Pressé de tout savoir, d´en finir à la fois Il note sur mon passage de l´enfant à l´adulte Rien ici n´enchante ou ne déçoit Ces enfantillages n´ajoutent qu´à l´insulte
Habitué aux erreurs, aux amateurs Il flaire la souricière mieux que quiconque Ce garçon, dit Suzo, il saurait peut-être Remonter jusqu´à vous
Je connais les détours, je les collectionne Sais effacer ma piste mieux que personne Mais encore devant l´aperçu du bordel que j´ai foutu Il me demande ce que j´ai dit
À quelle heure et à qui
Ne craignez rien Suzo Je n´ai pas dit un mot
Chez Maître Vittorio Suzo Sanctuaire Santa Rosalia, à Palerme Se dresse une terrasse sans commune mesure Et on dit qu´elle surplombe la ville au complet
Il m´invite à l´étage, creuse l´écart Entre le saccage dont je n´ai pas dit le quart Et le reste du monde qui ne se doute de rien Comme j´avais rêvé d´une plus belle fin
Lorsque l´ascenseur s´est bloqué Quelque part entre le huitième étage et le rez-de-chaussée
J´ai d´abord cru que j´avais mal compris Mal entendu, mal saisi
Que les portes en s´ouvrant dévoileraient la scène Que je voie la hauteur qui manquait à mon cœur Fin ouverte encore, prévisible, obscène L´adversaire de la mort redouble d´ardeur
Lorsque l´ascenseur emportant avec lui Suzo, Simon et le reste de ma peine Achevant enfin la mécanique tordue Entre poulies coincées et câbles fendus Je portais sur moi encore le parfum Le moins délicat de l´histoire du parfum Un trousseau de clés, cinq dollars en papier L´historique de mon téléphone pas encore effacé