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Artiste : Anton Serra
Titre : Not´ville
Nous avons un problème d´eau dans le sous-sol lyonnais,
et si nous creusons des souterrains trop hauts ils coûtent trop chers,
par conséquent ils faudraient qu´ils soient plus bas qu´celui d´Paris, et plus large...

Anto Bukowski, Lucio Serra...
Pour vous, notre ville c´est une découverte, pour nous c´est du déjà vu
Un sale sky de douze ans d´âge, un breuvage qu´on a déjà bu
Là où dans tous les quartiers, des p´tites canailles charbonnent
La canicule d´l´été fait fondre le glacier de Nardone
Ma ville, tu la trouves bonne, mais en faisant plus ample connaissance
Tu t´aperçois qu´c´est l´indigente, dénuée d´reconnaissance
Elle s´endimanche comme une pute, et elle te traitera de la sorte
Racolant au confluent du Rhône et de la Saône
Ma ville engloutit tout, tous s´en vont dans son puits sans fond

Les vivants y rodent et trop nombreux demeurent sans ronds
Mais peu s´en font, veulent le fric comme un caïd rital
Pourquoi crois tu qu´pour réussir, ils prennent d´assaut la capitale ?
Ma ville te plante la plante des pieds, jardin des plantes sans pétales
Mais certainement pas sans épine, qu´elle multiplie mais sans les tables
Ma ville s´essouffle et souffre d´un souffle au cœur sans égal
Dissimulant ses morts au fin fond de ses dédales
Notre ville, un imaginaire où durant quatre saisons j´hiberne
Patrie de déracinés, mauvaises herbes et dieux s´y perdent
L´air froid d´une reine et les apparats d´une fille de joie

Dissimule ses quartiers populaires sous des fils de soie
Ma ville déçoit, plein d´vide de sens
Comme une envie d´descendre un pack de six cul-sec
Naissance d´un squat dans un p´tit square d´Cusset
Traîne sans un centime, de Saint-Pri´ à Paul Santy
Cogne entre mes tripes tandis que cœurs et morceaux d´heures s´empilent
[Ma ville : ma vie, ma vile manie m´anime, m´a dit :]
"Fuis d´ici avant qu´la rime t´abîme"
C´est juste des plats dès qu´la réalité ramène au sol
La où chaque mur porte une cicatrice aérosol
Notre ville antique, entartrée, anthracite

Ma ville une lourde cuite qui nous laisse le ventre acide
Elle a la tronche du condamné fumant sa dernière cigarette
L´élégance de Joyce et la triste fin de Syd Barrett
Ma ville c´est un mélange de skate, de rap et d´aéro´
Là où chaque jour, j´ai une grande pensée pour Zaïro
Ma ville c´est un mystère, d´la fiction on est tout près
Y´a des scènes tellement étranges qu´au montage on les couperait
Notre ville c´est un couperet, aux milles façades bien aiguisées
Un vagabond ronflant sur un banc histoire de dégriser

Ma ville : une hémorragie, une petite plaie qu´on croit drôle
Sale comme une orgie est ma cité des Trois Gaules
Notre ville : un Cocyte, laissant fous et damnés en sang
Le dur visage du réel massacrera tes rêves d´enfants
Ma ville, c´est une fille perdue aux mamelons trop courbés
Bien plus proche d´une poutrone que Madelon d´Laurent Mourguet
Notre ville s´effondrera sur elle-même comme Jéricho
Les prophètes sont pas causants, des ruelles aux comicos
Le braquage et la praline : nos spécialités locales

Une belle lame en silex s´enfonçant dans tes cordes vocales
En 80, tête d´affiche en France
Première aux JT quand Vaulx et Vénissieux entraient en transe
Notre ville : une folie féline, animalerie à ciel ouvert
Vient s´élever, repousser le vent des stars aux souliers de vair
Notre ville : un ciné muet entre Keaton et faits divers
J´te parle d´notre ville, là où tous les frères n´sont pas qu´des lumières
Ma ville une vulgaire piquette, du Côte-Rôtie pour Gnafron
Un nauséeux tourniquet à la sortie des mâchons
Ma ville c´est un guignol gauche dissimulant un facho

Là où les mecs ont des facultés même sans bachot
Ma ville se décante que dans les rêves à force d´insomnie
Le toxico des pentes cherche éperdument sa Virginie
Ma ville est une vicieuse, une pleurnicheuse sans mouchoir
Une économique capricieuse, une souterraine sans bougeoir
Ma ville a plus de mille façons d´faire renoncer un samouraï
Ma ville une petite amourette, pour ses beaux yeux, on s’amourache
Ma ville elle a quelque chose fendu au fond de son regard
Un gros caillou à la place du cœur et l´air hagard

Deux collines comme une belle poitrine se soulevant sur l´abîme
Adorée comme une déesse, car après tout, c´est notre ville