A cinq heures, un quatre novembre, Le ciel était couleur de soufre Et le premier noir que j´ai vu Courait avec un arrosoir, Un arrosoir plein de mazout.
Un peu plus tard, j´ai vu les flammes. Il parait que toutes les voitures y sont passés, Y compris la Bentley de Monsieur. J´ai aussi entendu des cris, J´ai vu des gens qui défilaient. Pour les uns, Une bien belle journée. Pour les autres...
A cinq heures, un quatre novembre, Le ciel était couleur de soufre Et le premier Blanc que j´ai vu Brandissait une carabine. Il a tiré cinq, six cartouches Sur les noirs qui poussaient des cris, Puis il s´est versé un whisky. Ce monsieur-là, C´était Monsieur.
Moi, j´arrivais pour être fille, A cinq heures, un quatre novembre. Le ciel était couleur de soufre Et, ce jour-là, précisément, On proclamait l´indépendance.
Rigolo, non ? Des mois que je préparais mon coup, Des mois que je rêvais au jour où Je cesserais de vendre de la pacotille Dans une ridicule boutique de la Chaussée d´Antin Pour être enfin putain. Putain : mon rêve ! Des mois que j´économisais Pour pouvoir acheter des dentelles, des bras noirs, Des frusques amoureuses, des affûtiaux pervers, Du linge intéressant, quoi.
Des mois que j´inventais des caresses dans ma tête Et des baisers et pire que ça. Des mois... Et, un lundi, dans un bureau de tabac, La Providence : un Corse qui connaissait la filière. Il m´a tout donné : l´heure du bateau, le prix du voyage Et il a fallu que je débarque précisément Ce foutu quatre novembre !
Putain, Moi, je n´ai pas pu l´être. Le lundi, ce quatre novembre-là, Le bordel ferma ses portes Et toutes les filles s´en allèrent. Moi, je suis restée,
Pas pour faire la putain : Pour soigner la goutte de Monsieur