On a porté nos cartables, nos cahiers, nos ecchymoses On a porté, puis l´importable, jeans déchirés et cheveux roses On a porté poids bien trop lourd, sur nos frêles épaules
On a porté la honte dans la cour et des surnoms pas très drôles
On a porté nos frères, quand ils ne marchaient pas droit On a porté nos pères, alors qu´ils ne nous voyaient pas On a porté nos mères, leurs blessures, leurs combats On a porté amer sans résultat nos sœurs au commissariat
On a porté le silence, tout ce que vous nous avez pas dit On a porté votre indifférence lorsque nos aînés sont partis On a porté dans nos mains ce poids mort qui nous sert de gueule
Mais on ne porte rien, aussi bien que le deuil
On a porté vos regards, vos mots et vos doigts tendus On a porté idées noires, tête baissée, lèvres fendues On a porté peur au poignet, d´être percé au grand jour On a porté ses crachats qu´on nous disait être de l´amour
On a porté des mémoires que nos mains ont dû construire On a porté des espoirs qui ne cessent de se tarir On a porté le soir, plus que je n´ai le droit de le dire On a porté du noir pour rendre sa monnaie à l´empire
On a porté le mépris et c´est pas un film de Godard On a porté la godille qui nous écrasait la mâchoire On a porté l´étain et le bois dont on fait les cercueils Mais on ne porte rien aussi bien que le deuil Bien trop de grands frères sont morts combattant le SIDA Sur bien trop d´humains sur cette terre, le poids des chaînes se porta Et combien de nos mères ont souffert par habitus On est sérieux, on est déter´ quand on vous dit : Pas une de plus !
Plus jamais de gamin qui se pend tout seul dans sa chambre
Combien du rire de nos sœurs trans nous a-t-on privé d´entendre L´escalier du Père Lachaise est le seul qu´on déteste descendre Il serait tant qu´on parle de nous autrement que sous forme de cendres
Tu me manques
Tu étais tellement forte Tu es tellement morte Que c´est le deuil qui me porte