J´m´appell´Alphons´, j´n´ai pas d´nom de famille, Parc´que mon pèr´n´en avait pas non plus, Quant à ma mèr´, c´était un´pauvre fille Qui était née de parents inconnus. On l´appelait Thérès´, pas davantage,
Quoiqu´non mariés, c´étaient d´heureux époux ; Et l´on disait quel beau petit ménage, Que le ménage Alphons´du Gros Caillou !
Après trois ans, ils eur´nt enfin la chance, Vu leur conduit´, leurs bons antécédents, D´pouvoir ouvrir un´maison d´tolérance Et surtout cell´d´avoir eu quatre enfants. Sur quatre enfants, Dieu leur donna trois filles Qui ont servi dès qu´ell´s ont pu chez nous ; C´est que c´était une honnête famille, Que la famille Alphons´du Gros Caillou !
Tout prospéra, mes soeurs aidant ma mère Car elles eur´nt vite fait leur chemin ; Moi-même aussi, et quelquefois mon père S´il le fallait, nous y prêtions la main. La clientèle était assez gentille,
Car elle avait grande confiance en nous ; Ils s´en allaient disant ; quelle famille, Que la famille Alphons´du Gros Caillou !
Moi j´travaillais dans la magistrature, Le haut clergé, les gros officiants, J´avais pour ça l´appui d´la préfecture Où je comptais aussi quelques clients. J´étais si beau qu´on m´prenait pour un´fille, Tant j´étais tendre et caressant et doux Aussi j´étais l´orgueil de la famille, De la famille Alphons´du Gros Caillou !
Y avait des jours, fallait être solide, Et le quinze août, fête de l´Empereur, C´était chez nous tout rempli d´invalides, De pontonniers, d´cuirassiers, d´artilleurs. Car ce jour-là, le militair´godille
Et tous ces gens sortaient contents d´chez nous ; Ils se disaient quelle belle famille, Que la famille Alphons´du Gros Caillou !
Au-dehors nous comptions quelques pratiques Ma mèr´servait les Dam´s du Sacré Coeur, Mes soeurs servaient Madam´de Metternich, Mon pèr´servait la Maison de l´Emp´reur. La clientèle était assez gentille, Puis on avait grande confiance en nous Et l´on disait : "Quelle sainte famille Que la famille Alphons´du Gros Caillou"
Maint´nant ma mèr´s´est r´tirée des affaires, Moi j´continue mais c´est en amateur ; Mes soeurs ont tout´s épousé des notaires Mon père est membr´de la Légion d´Honneur, De notr´vertu la récompense brille
Et si notr´sort a pu fair´des jaloux, On dit tout d´mêm´c´est un´belle famille, Que la famille Alphons´du Gros Caillou !