đŸ’ƒđŸŽ€ Paroles de chanson Française et Internationnales đŸŽ€đŸ’ƒ

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Artiste : Charles-Augustin Saint Beuve
Titre : La Plaine
À mon ami Antoni D.. (DESCHAMPS).
Octobre.

AprÚs la moisson faite et tous les blés rentrés,

Quand depuis plus d’un mois les champs sont labourĂ©s,
Qu’il gùlera demain, et qu’une fois encore
L’Automne, du plus haut des coteaux qu’elle dore,
Se retourne en fuyant, le front dans un brouillard,
Oh ! que la plaine est triste autour du boulevard !
C’est au premier coup d’oeil une morne Ă©tendue,
Sans couleur ; çà et là quelque maison perdue,
Murs frĂȘles, pignons blancs en tuiles recouverts ;
Une haie à l’entour en buissons jadis verts ;
Point de fumĂ©e au toit ni de lueur dans l’ñtre ;
De grands tas au rebords des carriĂšres de plĂątre ;

Des moulins qui n’ont rien à moudre, ou ne pouvant
Qu’à peine remuer leurs quatre ailes au vent,
Et loin, sur les coteaux, au-dessus des villages,
De longs bois couronnés de leurs derniers feuillages ;
Car, tandis que de l’arbre en la plaine isolĂ©
Le beau feuillage au vent s’en est d’abord allĂ©,
Les bois sur les coteaux, comme l’homme en famille,
Résistent plus longtemps : un pùle rayon brille
Sur ce front de verdure à demi desséché,
Quand pour d’autres dĂ©jĂ  le soleil est couchĂ©.
Mais dans la plaine, quoi ? des jachĂšres pierreuses,
Et de maigres sillons en veines malheureuses,

Que la bĂȘche, Ă  dĂ©faut de charrue, a creusĂ©s ;
Et sur des ceps flétris des échalas brisés ;
De la cendre par place, un reste de fumée,
Et le sol tout noirci de paille consumée ;
Parfois un pĂątre enfant, Ă  la main son pain bis,
Dans le chaume des blés paissant quelques brebis ;
À ses pieds son chien noir, regardant d’un air grave
Une vieille qui glane au champ de betterave.
Et de loin l’on entend la charrette crier
Sous le fumier infect, le fouet du voiturier,
De plus prĂšs les grillons sous l’herbe sans rosĂ©e,
Ou l’abeille qui meurt sur la ronce Ă©puisĂ©e,
Ou craquer dans le foin un insecte sans nom ;

D’ailleurs personne là pour son plaisir, sinon
Des chasseurs, par les champs, regagnant leurs demeures,
Sans avoir aperçu gibier depuis six heures

Moi pourtant je traverse encore Ă  pas oisifs,
Et je m’en vais lĂ -bas m’asseoir oĂč sont les ifs.