Théâtre en rond et en plein air, On vient d´annoncer sur la place De ce hameau encore désert Que ce soir des comédiens passent. On l´a su vite dans les foyers
Et déjà partout la joie fuse C´n´est pas toujours qu´à Mervilliers Le bon peuple a droit qu´on l´amuse.
Allons voir l´homme au singe savant Il vient en somme une fois par an Accompagné d´un jeune enfant Tous les trois de retour d´Italie Le singe s´appelle Trésor Pervers Il saute très haut d´endroit d´envers Et l´homme vieux, beau, récite des vers Que l´enfant berce d´une mélodie.
Sur une harpe en bandoulière Dans laquelle chante le vent Il trouve des notes singulières Qu´les badauds écoutent en rêvant. Le vieux s´appelle Carbonari
Le jeune a nom Garibaldi Ils doivent rester jusqu´à jeudi Et peut-être même jusqu´à vendredi.
Hélas le singe Trésor Pervers Avant-hier est tombé malade Tout ça c´est d´la faute à l´hiver Qui rendait blanche la parade Trésor Pervers est mort ce matin D´une congestion pulmonaire Du moins c´est ce qu´a dit le médecin Notre docteur vétérinaire.
Depuis la mort du singe savant Plus rien pour eux n´est comme avant Le vieil acteur, le triste enfant Ont perdu le meilleur de la troupe Nous leur donnons asile de nuit
Mais au p´tit jour sans faire de bruit Vers d´autres lieux tous deux s´enfuient Essayant de gagner leur soupe.
Depuis la fin du petit singe Carbonari a bien vieilli Le dos courbé, blanc comme un linge Il s´appuie sur Garibaldi Pauvre vieillesse et pauvre enfance Que sont-ils à présent devenus ? On dit le p´tit à l´Assistance Et le vieux, mort, dans une rue.