La dame de Béziers, Qui courait en voiture, A perdu ses guipures, Son mannequin d´osier. Elle a perdu son charme
Et de ses yeux si beaux Coulent parfois des larmes Mouillant ses oripeaux.
La dame de Béziers Fut jadis grande Dame. Au château Montosier, Elle avait charge d´âmes Mais d´un page rieur Elle eût une embrassade, Un jour que son Seigneur Partait à la Croisade.
Quand il revint après Trente cinq ans de guerre, Il l´a vit de plus près Et ne l´aima plus guère : Du page elle avait pris
Les allures martiales Et le Seigneur compris Qu´il y avait là du mal.
Elle gagnait tournoi Et Jugement de Dieu. Elle avait dans la voix Quelque chose de vieux. Alors, il l´a quitta Retournant en croisade Et depuis ce temps-là, On dit, en embuscade
On dit : "dame de Béziers Eut de belles années." A présent, il lui sied D´être presque fanée. A présent, il lui sied
De recevoir sans cesse Visite de l´Huissier, Dont les exploits la blesse.
La dame de Béziers, Qui courait en voiture, Se perd dans la nature, S´en va dans les fraisiers. Seule a présent sans garde Et sans page fripon, Elle vit en clocharde Et couche sous les ponts.