J´me souviens, quand j´étais petit, à la maison : Le plus dur, c´était la fin du mois.... surtout les 30 derniers jours !
Parce qu´à cette époque là, mon père il travaillait à mi-temps, comme il disait. Il travaillait 12 heures par jour... Le reste du temps, il faisait c´qu´il voulait. Heu... Il allait bosser avec son vélo, Il revenait de bosser avec son vélo, il bossait... Il faisait c´qu´il voulait.
Donc là, y´avait beaucoup de boulot pour les ouvriers... Ils étaient pas beaucoup payés, mais y´avait beaucoup de boulot. Maintenant, ils sont mieux payés les ouvriers... Mais c´est fini... y´a plus de boulot. - "Circulez y´ a rien à voir ! Allez, hop !"
Et mon père, - qu´avait été un employé modèle pendant 25 ans, dans la même crèmerie et tout - Viré !
Chômiste ! Jusqu´à la fin de sa mort ! Toute sa vie !
Alors, il avait écrit aux administrations : Monsieur,
Je m´excuse de vous déranger pendant la sieste.
Alors, voilà. J´ai fait tout qu´est-ce qu´on m´a dit. - J´ai fait la guerre avec les allemands... ou contre les allemands même ! Non, « avec », dans le fond ils la faisaient aussi eux.
- J´ai fait comme on m´a demandé, deux enfants virgule six. J´en ai fait trois... J´ai pas trouvé la virgule.
Maintenant, j´ai plus de travail... Je voudrais savoir : Qu´est-ce qu´il faut que je fais ?"
Et ils ont répondu : Monsieur,
Écrivez-nous de quoi vous avez besoin... On vous expliquera comment vous en passer ! C´est sympa, ils sont pas obligés de s´occuper de tout le monde.
Alors on s´est démerdé à la maison, parce qu´avant on était habitués à se démerder.
Mon père gagnait pas beaucoup d´argent, quoi, avant.
Après non plus, puisqu´il était chômeur.... C´est pas que la différence était énorme... Mais on était CINQ sur la différence.
Mais, mon père, il était philosophe. Il disait : "On n´a qu´à manger des artichauts. Les artichauts, c´est un vrai plat de pauvres : C´est le seul plat que quand t´as fini de manger t´en a plus dans ton assiette que quand t´as commencé."
Il était balaise, mon père ! ... Il était philosophe... Il était tout pt´it... Il était philosophe... Il était marrant.
Alors, mon père, il voulait que je fais des études. Surtout, il dépensait beaucoup d´argent, parce qu´il voulait que je fais des études.
Parce que les études, ça coûte vachement cher. Et encore, moi, je faisais gaffe... j´étais l´un de ceux qui étudiaient le moins. Et ben, déjà, ça coûte du pognon.
J´allais à l´école vachement longtemps, moi... jusqu´à temps qu´ils ferment. J´ai été à la faculté, et tout. J´ai eu comme professeur, j´ai eu le doyen de la faculté, moi... qui les avait plus ses facultés, depuis un moment. "Orangina", on l´appelait : il était complètement secoué ! Ah bah, nous, on l´a remué... mais on lui a jamais décollé la pulpe du fond ! C´était un mec, il nous vendait de l´intelligence, il avait pas un échantillon sur lui ! Faut le faire, hein, déjà ? C´était marrant !
Alors bon, je faisais des études, parce que mon père voulait que je suis technocrate. Technocrate, c´est une nouvelle race de fénéants !
Technocrate, c´est des mecs que quand tu leur poses une question, le temps qu´ils ont fini de répondre, tu comprends pas la question que t´as posée.
Mon père disait : "Les technocrates, on leur donnerait le Sahara, dans 5 ans il faudrait qu´ils achètent du sable ailleurs."
Il était balaise, mon père... Il était philosophe... Tout petit... Il était philosophe....
Tout le monde se foutait de sa gueule : - "T´es tout p´tit ! T´es tout p´tit !" Mon père, il disait : - "Dans la vie, y´a pas de grands, y´a pas de petits... La bonne longueur pour les jambes, c´est quand les pieds touchent par terre."
Alors moi, j´ai fait mes études, et après, j´ai fait le service militaire. Alors y´avait l´alcoolique... comment on dit ? ... l´adjudent ! Alors il me dit : - "Et toi qu´est-ce que tu sais faire ?, - "Je sais rien faire, je sors de l´école...." - "Pourquoi ? On vous apprend rien à l´école ?" - Non... Si vous y aviez été, vous le sauriez ! - "Bon, admettons." Alors il me dit : - "Y´aurait la guerre, tu pourrais même pas défendre ton pays ?"
- "Ben d´abord, ça dépend où ? Vous voulez faire la guerre à qui ? Je parle 4 langues..." - "4 langues ??? ... Reste-là; tu colleras des timbres !"
Quand j´ai eu fini, alors après j´ai cherché du boulot. Et c´est là que ça s´est gâté... Parce que, dans la vie, c´est pas tout d´avoir des bagages... faut savoir où les poser.
Alors, dans ma banlieue que j´étais, les métiers qu´on pouvait faire avec le bac, y´avait voleur... Mais voleur, c´est pas un métier... c´est les flics qui tirent le plus. Y´en a un, l´autre jour - un repris de justesse - l´autre jour, qui dit :
« Maintenant, quand on braque une vieille dans la rue; on est obligé de dire : "N´ayez pas peur madame on est pas d´la police". »
C´est un peu embêtant, ça va peut-être s´arranger.
Sans ça, y´avait le suicide... Mais le suicide, c´est une sorte de vengeance personnelle... Et, moi, personnellement j´m´en veux pas, vous voyez ? Et même, si j´ai l´occasion, j´aimerais mieux mourir de mon vivant.
Alors je me suis assis sur le banc, avec les pochetrons, et j´ai appris un métier : pochetron.
Sauf que eux, ils picolent... moi, je les roule. Mais, là, j´peux pas vous expliquer... parce que, là, pour le coup, c´est interdit.