[Voix d´un hérault:] En l´an de grâce 487, Clovis, roi des Francs, campe dans la ville de Soissons Sous la tente royale, la favorite Blondehilde file au rouet
{Chanté:} Si batailler C´est l´ métier journalier des guerriers Nous, les amantes On s´ lamente Dans l´attente sous la tente Et si le roi Clovis doit chevaucher son palefroi Dieu, dites-moi quand de ce camp J´pourrai ficher l´ camp
- Frida! Une autre fois, tu secoueras les haricots secs lorsque j´aurai fini de chanter - Ja! - Ah, Frida! Je m´ennuie comme un pot d´hydromel derrière un coffre
Quand je pense que ça fait douze lunaisons que nous marinons dans la bouillasse devant cette damnée de ville de Soissons, j´en deviens folle! [Trompette] C´est Clovis! Laisse-moi Frida! Hé, Clovis! - Bonjour Blondehilde, bonjour - Vous n´avez pas l´air de suer la rigolade, mon cher Sicambre Voyons, déharnachez-vous! Asseyez-vous! - Ouf - Et puis, retirez cette couronne! - Ah non, Blondehilde! Tout ce que tu voudras, tout! mais pas la couronne - Zut alors! Si tu crois que c´est marrant d´être embrassée par un bonhomme qui garde en toute occasion sa couronne sur la tête!
- Blondehilde, ne bouscule pas la couronne ou je vais me fâcher! - Alors, laisse-moi faire. Mets-la un peu en arrière...comme ça! - Ah, non! Pas... - Si! Ça te va mieux, tu sais. Ça te fait plus jeune, je te jure Ah! Si tu voulais mon p´tit Cloclo joli, amour, si tu voulais... - Quoi? - Moi, à ta place, je donnerais Soissons pour rien - Pour des haricots? - Oui! Et je rejoindrais Lutèce, ta capitale. Ah! Lutèce
{Chanté:} - Nous irions à Lutèce tous les deux
- Tous les deux - Et mon cœur amoureux te verserait l´allégresse - Envoyez l´allégr... l´allégresse! - À Lutèce
- Mais mon biberon d´amour, Je te promets que c´est impossible - beuh, heu, heu... - Allons, allons! Ça y est! Tu n´es pas raisonnable
{Chanté:} Tandis que je me débats Avec les tracas d´ l´Etat Sur ton lit Toi, tu lis Les poèmes de Géraldy
Blondehilde, quand je t´ai d´mandé d´être ma favorite J´ai été franc Blondehilde, t´as vu qu´ j´étais sur mes cartes de visite Le roi des Francs Puisque t´as accepté Y a pas à discuter! T´as tort, t´as tort de rouspéter
- Tu m´avais dit, comme ça, qu´on vivrait à Lutèce! - Est-ce ma faute si on ne parvient pas à mettre les menottes sur le soldat qui a fauché le vase de Soissons? - Pourquoi as-tu fait serment de rester là tant qu´il ne serait pas arrêté? - Parce que je croyais qu´on le trouverait tout de suite
Quand je pense qu´ le jour où saint Rémi a déposé sa plainte tu as dit "vite et tout!" et depuis un an pas ça... Alors la rumeur publique accuse tes cousins, ton neveu et moi-même d´avoir trempé - Dans le vase? - Naturellement! - Ah! J´en suis vaseux avec ce vase! Tu vois bien ma poule d´Austrasie que je n´ peux pas quitter Soissons - Où vas-tu? - Je vais passer mes troupes en revue - C´est une manie! Enfin, si on te désignait le coupable? - Je jure de l´exécuter séance tenante et de partir immédiatement pour Lutèce - C´est bien
- À tout à l´heure - À tout à l´heure Frida, Frida, va me chercher le chef de la Police! - Ja!
- Mademoiselle m´a fait l´honneur de me faire demander? - Oui! Alors, Monsieur le Chef de la Police, est-ce que vous vous moquez du monde? - Mais... - Laissez-moi parler! Comment, depuis un an que le fameux soldat a barboté le vase de Soissons et que publiquement il l´a brisé d´un coup de francisque, vous n´avez pas pu mettre la main dessus? - C´est à dire que...
- Ça va, je sais! Des témoignages contradictoires, naturellement! D´aucuns l´ont vu blond, d´autres brun Certains ont affirmé qu´il était petit et rondouillard alors qu´il en est pour l´avoir vu grand et mince Si vous vous occupez de ce qu´on dit, je n´ m´étonne plus que nous en soyons où nous en sommes. Que le roi soit bafoué, que je me ronge les ongles sur les bords de l´Aisne, vous vous en balancez, comme on dit à Lutèce! Eh bien! Si dans une minute, vous n´avez pas trouvé moyen d´indiquer au roi, qui passe sa petite revue quotidienne dans le camp, d´indiquer dis-je, le bonhomme sur lequel doivent s´abattre les foudres de la justice,
je vous garantis que vous aurez affaire à moi! - Mais enfin! Comment voulez-vous que je trouve en une minute le coupable que je cherche en vain depuis un an? - Qui vous parle de coupable? Prenez n´importe qui au hasard! Le vase de Soissons, je m´en bats l´œil! Ce qu´ j´veux, c´est que le roi sorte de cette impasse ridicule - Si c´est ça, j´ai compris! - Tout arrive! Il vous reste cinquante secondes. Allez, rompez! Frida, J´ crois qu´ tu peux faire les malles! - Ja! - Demain au petit jour, que tout soit prêt à charger dans les chars à bœufs et à toute vitesse...
{Chanté:} Nous irons à Lutèce tous les deux Et mon cœur amoureux...
[Bruit de foule] - Qu´est-ce-qu´il y a? Mais ma parole, ce sont les guerriers qui acclament le roi qu´ils ont hissé sur un bouclier. - Mademoiselle, tout s´est passé comme vous le désiriez - Vous voyez que quand on veut... [Trompette] - Mais voici le roi - Merci mes leudes, merci, merci - Eh bien, fier Sicambre, êtes-vous satisfait? - Oui et non! J´ai un coup de bouclier qui m´est rentré dans la fesse droite - Toute médaille a un envers - Moi aussi, et ça n´ m´amuse pas qu´il soit abîmé Mais au fait, Monsieur le Chef de la Police, comment avez-vous enfin trouvé le criminel du vase de Soissons? - Il y a longtemps que je le filais, Sire - C´est curieux, il me semblait plus petit, plus râblé - C´est possible! - Comment ça? Qu´il ait maigri j´admets mais rapetissé? - Avec le progrès Sire, on voit tellement de choses - Tout de même quand je lui ai dit "Souviens-toi du vase de Soissons!" - Qu´est-ce-qu´il a dit? - Rien! Il avait la tête fendue en deux - Alors tout va bien? - Oui, tout va bien! - Vos guerriers vous acclament - Je suis le führer qui fait fureur, ha, ha, ha... - Le peuple va s´arracher les éditions spéciales que les journaux ne vont pas manquer de faire paraître - Les affaires vont reprendre - C´est possible mais que doit penser le vrai coupable? - Ça, il doit bien rigoler, ha, ha, ha! Enfin, le principal, c´est que cette affaire soit finie et que nous puissions aller vivre à Lutèce tous les deux - J´ai compris! Décidément pour certaines choses, je commence à croire que les femmes sont plus fortes que les hommes! - Et quand tu l´oublieras, mon chéri, j´ te glisserai dans le tuyau de l´oreille...
{Chanté:} Souviens-toi, souviens-toi, Clovis, oh, mon mignon! Souviens-toi, souviens-toi du vase de Soissons Et si tu fais semblant de n´ pas comprendre J´ t´ répèterai encore beaucoup plus tendre Souviens-toi, souviens-toi, Clovis, oh, mon mignon! Souviens-toi du vase de Soissons {x2} Clovis, souviens-toi donc du vase de Soissons!