Cinq heures du mat´ J´traîne mon passé sur Mont-Royal La pluie est glacée La rue brille comme un miroir cassé Sous les nuages de février
J´prends une marche J´prends une marche dans ma vie
Un coin de rue j´étais jeune Un autre était là J´ai oublié son nom Dieu que le quartier a changé Du temps où j´étais roi Montréal est triste le matin Tous les taxis ont rendu l´âme Le corps transi, le cuir détrempé Comme quand j´avais l´temps J´prends une marche J´prends une marche dans ma vie
J´me souviens, y a cent-seize ans J´voulais pas rentrer à maison J´ai tellement marché sans raison
La ville est belle, j´rentre à maison J´m´allume une cigarette, j´me prends pour James Dean La boucanne, ça met de l´émotion J´suis tout seul, j´me trouve beau, j´me trouve bon Mais dans l´fond, j´rentre à la maison
Si j´suis chanceux, j´envoie des flacons En traversant le parc La Fontaine Les arbres dans le béton, ça sent bon C´est une forêt d´asphalte, mais c´est la mienne Et par les ruelles, sans raison, j´me trouve laid, j´me trouve con Mon amour, le dernier des sous-gants Rentre à la maison
J´me souviens qu´là, Paul restait au deuxième
Ils s´en est brassés des idées On avait tellement peu de sang dans les veines Que la police avait peur de cogner Deux blocs plus loin, y avait Diane Cette valeur, j´ai jamais pu y avouer En y pensant, j´rallume la flamme Elle est peut-être morte, mais j´me sens moins gelé
Pis partout les jobs de nuit, où j´aimais m´endormir Tellement mieux qu´dans mon lit En rêvant que j´allais mourir J´gérais dans un bar de blues, dans un café-chanson, au piano J´pouvais passer d´une partouze Fini en le récitant du Rimbaud Un jour, on finit presque sage
Pour faire place à l´heure de l´œuvre C´est sûr qu´aujourd´hui j´suis moins brave Dans une heure les enfants se lèvent Je marche Je marche dans ma vie Je rentre à maison