J´ai cherché dans l´absence un remède à mes maux ; J´ai fui les lieux charmants qu´embellit l´infidèle, Caché dans ces forêts dont l´ombre est éternelle,
J´ai trouvé le silence, et jamais le repos. Par les sombres détours d´une route inconnue J´arrive sur ces monts qui divisent la nue : De quel étonnement tous mes sens sont frappés ! Quel calme ! quels objets ! quelle immense étendue ! La mer paraît sans borne à mes regards trompés, Et dans l´azur des cieux est au loin confondue. Le zéphyr en ce lieu tempère les chaleurs, De l´aquilon parfois on y sent les rigueurs, Et tandis que l´hiver habite ces montagnes, Plus bas l´été brûlant dessèche les campagnes.
Le volcan dans sa course a dévoré ces champrs ; La pierre calcinée atteste son passage : L´arbre y croît avec peine, et l´oiseau par ses chants
N´a jamais égayé ce lieu triste et sauvage. Tout se tait, tout est mort ; mourez, honteux soupirs, Mourez importuns souvenirs Qui me retracez l´infidèle ; Mourez tumultueux désirs ; Ou soyez volages comme elle. Ces bois ne peuvent me cacher ; Ici même, avec tous ses charmes, L´ingrate encor me vient chercher ; Et son nom fait couler des larmes Que le temps aurait dû sécher. O dieux ! ô rendez-moi ma raison égarée ; Arrachez de mon coeur cette image adorée ; Eteignez cet amour qu´elle vient rallumer, Et qui remplit encor mon âme tout entière, Ah ! l´on devrait cesser d´aimer Au moment qu´on cesse de plaire.
Tandis qu´avec mes pleurs la plainte et les regrets Coulent de mon âme attendrie, J´avance, et de nouveaux objets Interrompent ma rêverie. Je vois naître à mes pieds ces ruisseaux différents Qui, changés tout à coup en rapides torrents, Traversent à grand bruit les ravines profondes, Roulent avec leurs flots le ravage et l´horreur, Fondent sur le rivage, et vont avec fureur Dans l´océan troublé précipiter leurs ondes. Je vois des rocs noircis, font le front orgueilleux S´élève et va frapper les cieux. Le temps a gravé sur leurs cimes L´empreinte de la vétusté. Mon oeil rapidement porté
De torrents en torrents, d´abîmes en abîmes, S´arrête épouvanté. O nature ! qu´ici je ressent son empire ! J´aime de ce désert la sauvage âpreté ; De tes travaux hardis j´aime la majesté ; Oui, ton horreur me plaît, je frissonne et j´admire.
Dans ce séjour transuille, aux regards des humains Que ne puis-je cacher le reste de ma vie ! Que ne puis-je du moins y laisser mes chagrins ! Je venais oublier l´ingrate qui m´oublie, Et ma bouche indiscrète a prononcé son nom ; Je l´ai redit cent fois, et l´écho solitaire De ma voix douloureuse a prolongé le son ; Ma main l´a gravé sur la pierre ; Au mien il est entrelacé.
Un jour, le voyageur sous la moussé légère, De ces noms connus à Cythère Verra quelque reste effacé. Soudain il s´écriera : Son amour fut extrême ; Il chanta sa maîtresse au fond de ces déserts. Pleurons sur ses malheurs et relisons les vers Qu´il soupira dans ce lieu même.