Te souvient-il, ma charmante maîtresse, De cette nuit où mon heureuse adresse Trompa l´Argus qui garde tes appas ? Furtivement j´arrivai dans tes bras. Tu résistait ; mais ta bouche vermeille
A mes baisers se dérobait en vain ; Chaque refus amenait un larcin. Un bruit subit effraya ton oreille, Et d´un flambeau tu vis l´éclat lointain. Des voluptés tu passas à la crainte ; L´étonnement vint resserrer soudain Ton faible coeur palpitant sous ma main ; Tu murmurais ; je riais de ta plainte ; Je savais trop que le dieu des amants Sur nos plaisirs veillait en ces moments. Il vit tes pleurs ; Morphée, à sa prière, Du vieil Argus que réveillaient nos jeux Ferma bientôt et l´oreille et les yeux, Et de son aile enveloppa ta mère. L´Aurore vint, plus tôt qu´à l´ordinaire, De nos baisers interrompre le cours ; Elle chassa les timides Amours : Mais ton sourire, peut-être involontaire,
Leur accorda le rendez-vous du soir.
Ah ! si les dieux me laissaient le pouvoir De dispenser la nuit et la lumière, Du jour naissant la jeune avant-courrière Viendrait bien tard annoncer le Soleil ; Et celui-ci dans sa course légère Ne ferait voir au haut de l´hémisphère Qu´une heure ou deux son visage vermeil. L´ombre des nuits durerait davantage, Et les amours auraient plus de loisirs. De mes instants l´agréable partage Serait toujours au profit du plaisir. Dans un accord réglé par la sagesse, A mes amis j´en donnerais un quart ; Le doux sommeil aurait semblable part, Et la moitié serait pour ma maîtresse.