Pour les deux enfants qui s´en vont à l´école Pour le chapeau neuf sorti du magasin Pour le vieil oiseau à son dernier vol Pour la lettre qu´attend mon voisin
Pour le petit Russe qui regarde la Lune Pour la chevrette qui découvre le thym Pour Mado, à son premier chagrin Une valse, une valse, une valse
Et c´est parti d´la rivière Richelieu Du coeur d´un homme qu´était cassé en deux C´était tout p´tit effrayé par la nuit C´était brisé, mais ça avait la vie
Puis ça a sauté par-dessus le jardin À la première barre du jour sur le chemin Puis ça a gagné le pont qu´est dans les airs C´était sorti c´était libre, c´était clair
Trois hommes l´ont vue qui travaillaient aux champs Ils ont crié : "Vis longtemps, vis longtemps"
Ça faisait quatre, il n´était pas midi À trois heures quinze la valse était finie
Une femme triste lui a donné son rire Quatre fillettes mêlées aux gouttes de pluie Dix huit canards, deux bourgeois lui ont dit : "Prends c´qu´on a d´mieux pour que tu sois jolie"
À l´heure de pointe ça frôlait les maisons Et aux barreaux accrochait ses flonflons Foule fatiguée sur la rue bosselée Le nez en l´air avait le goût d´danser
Enfants, abbés, voyous et demi-morts Ont dit : "enfin nous voilà tous d´accord" L´accordéon criait partout dehors Due chacun prenne sa partie du trésor
Que voulez-vous une valse c´est un mystère Un baume, un fouet, c´est le sel dans la terre Sorti du fond du coeur d´un solitaire Soixante secondes de joie et ça meurt dans l´air Soixante secondes de joie c´est beaucoup par l´hiver