đŸ’ƒđŸŽ€ Paroles de chanson Française et Internationnales đŸŽ€đŸ’ƒ

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Artiste : Francis Jammes
Titre : Avant que nous rentrions
Avant que nous rentrions, nous promenĂąmes.
Il me semblait que nous tenions un bouquet d’ñmes,
et nous disions des mots qui nous faisaient nous taire.

La nuit pure coulait dans l’eau du torrent vert
et, sur les pics, flottaient des nuées immobiles
pareilles aux nuées de quelque vieille bible.

Une bontĂ© d’amour faisait pencher ta tĂȘte ;
je ne sais quoi de grave et de grand comme un poĂšte
faisait nos coeurs pareils à de la vérité.
Nous hésitions longuement et lentement à rentrer,
sachant que nos bras nus devaient s’ouvrir ensemble,
sans une hypocrisie et sans timidité.

Plus douces que des orphelines qui ont chanté,
les ùmes des étoiles blanches et tristes priaient.
Tu me disais des choses dĂ©licieuses que l’on a dites.

Tu me disais : Tu es un tout petit enfant.
Et ta voix se traßnait sur ces mots, détachant
les syllabes et disant : Un-tout-pe-tit-en-fant.

Je te disais : nous sommes allĂ©s Ă  la mĂȘme Ă©cole,
quand tu avais quatre ans. N’est-ce pas que c’est drîle ?
Et tu relevais la tĂȘte et tes yeux noyĂ©s de douceur
me donnaient un regard qui me buvait le coeur.
Petit ami, me disais-tu, que c’est calme !
Et nous nous taisions, ne sachant plus nos Ăąmes

Nos deux corps se sont fondus comme des pĂȘches
brĂ»lantes de soleil sur un mĂȘme pĂȘcher.
Tu disais : Cette nuit n’a Ă©tĂ© qu’un baiser

C’est fou. Et quand, soĂ»ls d’amour,
le jour parut, tu dis : Que vient faire le jour ?

Tes dents mordaient mes dents et me brisaient la bouche
L’aube tremblait sur ton profil presque farouche.
Je te disais : tais-toi ! quand tu ne disais rien.

Puis nous sommes sortis dans la campagne fraĂźche.
Nous nous sommes assis sur un mur ébréché.

Sur la montagne immense un oiseau criait.
Nous avions peur qu’il ne fĂ»t triste Ă  ainsi crier

Et moi je te disais, pour calmer ton doute :
la mùre de l’oiseau qui crie ainsi, comme toutes les
mĂšres des oiseaux, va lui apporter Ă  manger.
Tu crois ? me disais-tu, et tu me souriais.

Et nous avons marchĂ©, et t’ai donnĂ© Ă  boire
de l’eau de source avec nos lùvres ensemble.
Tu as criĂ© : Qu’elle est fraĂźche ! Oh ! qu’elle est fraĂźche !

Alors il plut. La pluie courait sur la montagne.
C’était la pluie qui fait rĂȘver les villages,
la pluie au bruissaillement tendre et léger,
la pluie qui tinte, la pluie qui pleure du soleil,
la pluie qui arrose les clairs arcs-en-ciel,
la pluie qui fait courir et frissonner les poules.

Et nous fĂźmes attention Ă  la boue

Nous sommes rentrés doucement pour déjeuner
et, à table, nous nous sommes disputés
sérieusement, et tu as failli pleurer
que je n’admette pas une de tes idĂ©es

Tout cela pour, plus tard, retomber dans nos bras nus,
et pour recommencer des caresses oĂč tu
pĂąlissais dans la lourdeur de tes beaux cheveux.

Maintenant, tu es loin, amie. Mais je veux
que ces vers que liront quelques lointains amis
fassent qu’ils t’aiment un peu sans te connaütre
et que, s’ils passent un jour sous la fenĂȘtre
de cette chambre douce oĂč nous nous sommes aimĂ©s

ils ne sachent point que c’est là

1897.