đŸ’ƒđŸŽ€ Paroles de chanson Française et Internationnales đŸŽ€đŸ’ƒ

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Artiste : Francis Jammes
Titre : Quand dans le brouillard
Quand dans le brouillard qui faisait luire la boue
oĂč nageaient les lumiĂšres des grands magasins,
je m’arrĂȘtais en face des tuyaux de zinc
de ta maison ancienne oĂč, la lampe Ă  la joue,

tu brodais à cÎté de ton petit serin,

l’odeur des üles sortait par les fentes roses
de la fenĂȘtre Ă  carreaux verts, et je sentais
que nous avions vĂ©cu bien avant d’ĂȘtre nĂ©s
dans une colonie qu’une mer drîle arrose,
et il me semblait encore que j’y Ă©tais.

Je voyais de la rue les placards qui luisaient.
Le salon était vieux sans doute et des insectes
sous des Ă©pingles trĂšs longues avaient des tĂȘtes
luisantes et noires. Ils étaient tout usés :
dans le cadre étaient en débris leurs dures ailes.

Par cette journée triste tout ça me revient,
car il fait mauvais temps encore et, dans ma chambre,

il tombe du jour gris pareil Ă  de la cendre.
Toi, les insectes, la lampe, vous ĂȘtes loin.
Je me souviens du mois qu’on appelle Novembre.

Si tu lisais ceci tu ne comprendrais pas :
et cependant si tu pouvais comprendre et lire
tu penserais aussi aux contrées exotiques,
aux colonies en jasmin et en chocolat
oĂč allaient d’importants et lourds vaisseaux antiques.

Quand je serai mort, si quelqu’un trouve ces vers :
qu’il aille prùs des quais d’une ville et te cherche ;
qu’il t’explique ce que l’on appelle un poùte
et que là-bas des oiseaux d’or sont sur la mer

oĂč nous avons vĂ©cu, amie, avant de naĂźtre.

Tu ne comprendras pas ces explications.
Tu seras ramollie et prendras du tilleul
en petit bonnet vieillot et, dans mon cercueil,
je tremblerai d’avoir eu pour toi la passion
du poùte à qui ne reste plus que l’orgueil.

J’ai voulu, par orgueil, dĂ©dier quelques vers
Ă  une personne comme toi, douce, tendre,
absolument incapable de les comprendre.
PrĂšs du vieux feu il y a le bruit de la mer.
Tu es douce comme la FĂȘte-Dieu qui chante.

1895.