Je vois fleurir, assis à ma fenêtre, L´humble lilas de mon petit jardin, Et son subtil arome qui pénètre
Vient jusqu´à moi dans le vent du matin
Mais je suis plein d´une colère injuste, Car ma maîtresse a cessé de m´aimer, Et je reproche à l´innocent arbuste D´épanouir ses fleurs et d´embaumer.
Tout enivré de soleil et de brise, Ce favori radieux du printemps, Pourquoi fait-il à mou cœur qui se brise Monter ainsi ses parfums insultants ?
Ne sait-il pas que j´ai cueilli pour elle Les seuls rameaux dont il soit éclairci ? Est-ce pour lui chose si naturelle Qu´en plein avril elle me laisse ainsi ?
– Mais non, j´ai tort, car j´aime ma souffrance.
A nos amours jadis tu te mêlas ; Au jardin vert, couleur de l´espérance, Fleuris longtemps, frêle et charmant lilas !
Les doux matins qu´embaume ton haleine, Les clairs matins du printemps sont si courts ! Laisse-moi croire, encore une semaine, Qu´on ne m´a pas délaissé pour toujours.
Et si, malgré mes espoirs pleins d´alarmes, Je ne dois plus avoir la volupté De reposer mes yeux brûlés de larmes Sur la fraîcheur de sa robe d´été ;
Si je ne dois plus revoir l´infidèle,
J´y penserai, tant que tu voudras bien,
Devant ces fleurs qui me virent près d´elle, Dans ce parfum qui rappelle le sien.