Titre : L´autre soir, en parlant à cette jeune fille
L´autre soir, en parlant à cette jeune fille D´un rien, d´un chiffon blanc que brodait son aiguille. Du ruban que parmi ses nattes elle avait, Vain prétexte pour mieux admirer le duvet
Des petits cheveux blonds frisant près de l´oreille, Et cette ombre, au reflet d´une rose pareille, Du menton mollement replié sur le cou, Tout en causant, je fis, dis-je, ce rêve fou : Que rien n´était charmant comme une demi-teinte, Que cette enfant avait la timidité sainte Des longs cils d´or voilant les chastes regards bleus Et des gestes d´hermine effrayés et frileux ; Et déjà ma pensée absorbante et jalouse Se la représentait comme une blanche épouse, Pure et douce, au milieu d´un frais intérieur Égayé par les jeux d´un bel enfant rieur.
Et cette impression qu´elle m´avait donnée Dura le lendemain toute la matinée, Si bien que j´espérais presque un amour naissant.
Le bon rêve! j´étais comme un convalescent Faible encore et fiévreux, mais qui se sent renaître Et qui, dans les coussins, auprès de sa fenêtre, Devant un ciel d´avril plein d´azur rajeuni, Sourit en se disant que tout n´est pas fini, Tandis qu´un feu discret meurt dans les cendres chaudes Et qu´il voit au jardin en vives émeraudes Sur les arbustes noirs éclater les bourgeons. Les nuages, avec lesquels nous voyageons, Lui parlent d´horizons, d´air pur, de libres courses Dans les grands bois charmés du murmure des sources; De la ferme avec son bonnet de chaumes blonds, Croulante sous l´assaut fantasque des houblons
Et de loin devinée à son odeur d´étable, Où, vers le soir, dans la salle basse on s´attable. Et, tout en caressant son menton amaigri, Heureux, tendre, oubliant déjà son mal guéri, Qui lui fut un miroir des amitiés fidèles, II songe au tout prochain retour des hirondelles.