Saint Éphrem, que jamais le démon ne fit choir, Dans un faubourg de Tyr se promenait, un soir,
Rêvant du paradis et l’âme aux cieux ravie, Lorsqu’une femme impure et de mauvaise vie, Qui dans ce lieu désert avait suivi ses pas, Le prit par son manteau, lui murmurant tout bas Des propos tentateurs et brûlants de luxure. Le saint abbé des mains de cette créature Dégagea son habit, sans témoigner d’émoi, Et fit signe à la femme, en lui disant : « Suis-moi ! » Et, lorsqu’il eut conduit la courtisane vile Sur le port, au moment où les gens de la ville Regardaient le soleil dans la mer s’engloutir
Et les vaisseaux entrer dans la rade de Tyr : « Arrêtons-nous, — dit-il à la fille perverse, — Afin que sur-le-champ j’aie avec toi commerce. »
La femme — elle expia tous ses péchés depuis — Dit alors : « Es-tu fou, vieillard ? Je ne le puis Au milieu de ce peuple et devant tant de monde. »
Mais Éphrem s’écria : « Si ton état immonde Te fait rougir devant les hommes, en ce lieu, Que ne rougis-tu donc, ô femme, devant Dieu, Dont le regard connaît toute chose cachée ? »
Et, par cette parole ayant l’âme touchée, Confuse, elle s’enfuit ; et, depuis ce moment, Elle fit pénitence et vécut saintement.