J’avais l’plus bel amandier Du quartier, Et, pour la bouche gourmande Des filles du monde entier, J’ faisais pousser des amandes :
Le beau, le joli métier ! Un écureuil en jupon, Dans un bond, Vint me dir’ : “Je suis gourmande Et mes lèvres sentent bon, Et, si tu m’donn’s une amande, J’te donne un baiser fripon ! - Grimpe aussi haut que tu veux, Que tu peux, Et tu croqu’s, et tu picores, Puis tu grignot’s, et puis tu Redescends plus vite encore Me donner le baiser dû !” Quand la belle eut tout rongé, Tout mangé... « Je te paierai, me dit-elle, A pleine bouche quand les Nigauds seront pourvus d’ailes
Et que tu sauras voler ! “Mont’ m’embrasser si tu veux, Si tu peux... Mais dis-toi que, si tu tombes, J’n’aurai pas la larme à l’oeil, Dis-toi que, si tu succombes, Je n’porterai pas le deuil !” Les avait, bien entendu, Toutes mordues, Tout’s grignoté’s, mes amandes, Ma récolte était perdue, Mais sa joli’ bouch’ gourmande En baisers m’a tout rendu ! Et la fête dura tant Qu’le beau temps... Mais vint l’automne, et la foudre, Et la pluie, et les autans Ont changé mon arbre en poudre...