La veuve et l´orphelin, quoi de plus émouvant ? Un vieux copain d´école étant mort sans enfants, Abandonnant au monde une épouse épatante, J´allais rendre visite à la désespérée.
Et puis, ne sachant plus où finir ma soirée, Je lui tins compagni’ dans la chapelle ardente. Pour endiguer ses pleurs, pour apaiser ses maux, Je me mis à blaguer, à sortir des bons mots, Tous les moyens sont bons au médecin de l´âme... Bientôt, par la vertu de quelques facéties, La veuve se tenait les côtes, Dieu merci ! Ainsi que des bossus, tous deux nous rigolâmes. Ma pipe dépassait un peu de mon veston. Aimable, elle m´encouragea : "Bourrez-la donc, Qu´aucun impératif moral ne vous arrête, Si mon pauvre mari détestait le tabac, Maintenant la fumé’ ne le dérange pas ! Mais où diantre ai-je mis mon porte-cigarettes ?" A minuit, d´une voix douce de séraphin, Elle me demanda si je n´avais pas faim.
"Ça le ferait-il revenir, ajouta-t-elle, De pousser la piété jusqu´à l´inanition : Que diriez-vous d´une frugale collation ?" Et nous fîmes un petit souper aux chandelles. "Regardez s´il est beau ! Dirait-on point qu´il dort ? Ce n´est certes pas lui qui me donnerait tort De noyer mon chagrin dans un flot de champagne." Quand nous eûmes vidé le deuxième magnum, La veuve était ému’, nom d´un petit bonhomm’ ! Et son esprit se mit à battre la campagne... "Mon Dieu, ce que c´est tout de même que de nous !" Soupirait-elle, en s´asseyant sur mes genoux. Et puis, ayant collé sa lèvre sur ma lèvre, "Me voilà rassuré’, fit-elle, j´avais peur Que, sous votre moustache en tablier d’ sapeur,
Vous ne cachiez coquettement un bec-de-lièvre..." Un tablier d´ sapeur, ma moustache, pensez ! Cette comparaison méritait la fessée. Retroussant l´insolente avec nulle tendresse, Conscient d´accomplir, somme toute, un devoir, Mais en fermant les yeux pour ne pas trop en voir, Paf ! j´abattis sur elle une main vengeresse ! "Aï’ ! vous m´avez fêlé le postérieur en deux !" Se plaignit-elle, et je baissai le front, piteux, Craignant avoir frappé de façon trop brutale. Mais j´appris, par la suite, et j´en fus bien content, Que cet état de chos’s durait depuis longtemps : Menteuse ! la fêlure était congénitale.
Quand je levai la main pour la deuxième fois, Le coeur n´y était plus, j´avais perdu la foi, Surtout qu´elle s´était enquise, la bougresse : "Avez-vous remarqué que j´avais un beau cul ?” Et ma main vengeresse est retombé’, vaincu’ ! Et le troisième coup ne fut qu´une caresse... "Avez-vous remarqué que j´avais un beau cul ?” Et ma main vengeresse est retombé’, vaincu’ ! Et le troisième coup ne fut qu´une caresse...