Je vivais à l´écart de la place publique, Serein, contemplatif, ténébreux, bucolique... Refusant d´acquitter la rançon de la gloir´, Sur mon brin de laurier je dormais comme un loir. Les gens de bon conseil ont su me fair´ comprendre
Qu´à l´homme de la ru´ j´avais des compt´s à rendre Et que, sous peine de choir dans un oubli complet, J´ devais mettre au grand jour tous mes petits secrets.
Trompettes De la Renommée, Vous êtes Bien mal embouchées !
Manquant à la pudeur la plus élémentaire, Dois-je, pour les besoins d´ la caus´ publicitaire, Divulguer avec qui, et dans quell´ position Je plonge dans le stupre et la fornication ? Si je publi´ des noms, combien de Pénélopes
Passeront illico pour de fieffé´s salopes, Combien de bons amis me r´gard´ront de travers, Combien je recevrai de coups de revolver !
Trompettes De la Renommée, Vous êtes Bien mal embouchées !
A toute exhibition, ma nature est rétive, Souffrant d´un´ modesti´ quasiment maladive, Je ne fais voir mes organes procréateurs A personne, excepté mes femm´s et mes docteurs. Dois-je, pour défrayer la chroniqu´ des scandales, Battre l´ tambour avec mes parti´s génitales, Dois-je les arborer plus ostensiblement, Comme un enfant de coeur porte un saint sacrement ?
Trompettes De la Renommée, Vous êtes Bien mal embouchées !
Une femme du monde, et qui souvent me laisse Fair´ mes quat´ voluptés dans ses quartiers d´ noblesse, M´a sournois´ment passé, sur son divan de soi´, Des parasit´s du plus bas étage qui soit... Sous prétexte de bruit, sous couleur de réclame, Ai-j´ le droit de ternir l´honneur de cette dame En criant sur les toits, et sur l´air des lampions : " Madame la marquis´ m´a foutu des morpions ! " ?
Trompettes De la Renommée, Vous êtes Bien mal embouchées !
Le ciel en soit loué, je vis en bonne entente Avec le Pèr´ Duval, la calotte chantante, Lui, le catéchumène, et moi, l´énergumèn´, Il me laisse dire merd´, je lui laiss´ dire amen, En accord avec lui, dois-je écrir´ dans la presse Qu´un soir je l´ai surpris aux genoux d´ ma maîtresse, Chantant la mélopé´ d´une voix qui susurre, Tandis qu´ell´ lui cherchait des poux dans la tonsure ?
Trompettes
De la Renommée, Vous êtes Bien mal embouchées !
Avec qui, ventrebleu ! faut-il don´que je couche Pour fair´ parler un peu la déesse aux cent bouches ? Faut-il qu´un´ femme célèbre, une étoile, une star, Vienn´ prendre entre mes bras la plac´ de ma guitar´ ? Pour exciter le peuple et les folliculaires, Qui´est-c´ qui veut me prêter sa croupe populaire, Qui´est-c´ qui veut m´ laisser faire, in naturalibus, Un p´tit peu d´alpinism´ sur son mont de Vénus ?
Trompettes De la Renommée, Vous êtes Bien mal embouchées !
Sonneraient-ell´s plus fort, ces divines trompettes, Si, comm´ tout un chacun, j´étais un peu tapette, Si je me déhanchais comme une demoiselle Et prenais tout à coup des allur´s de gazelle ? Mais je ne sache pas qu´ça profite à ces drôles De jouer le jeu d´ l´amour en inversant les rôles, Qu´ça confère à leur gloire un´ onc´ de plus-valu´, Le crim´ pédérastique, aujourd´hui, ne pai´ plus.
Trompettes De la Renommée, Vous êtes Bien mal embouchées !
Après c´tour d´horizon des mille et un´ recettes Qui vous val´nt à coup sûr les honneurs des gazettes, J´aime mieux m´en tenir à ma premièr´ façon Et me gratter le ventre en chantant des chansons. Si le public en veut, je les sors dare-dare, S´il n´en veut pas je les remets dans ma guitare. Refusant d´acquitter la rançon de la gloir´, Sur mon brin de laurier je m´endors comme un loir.